Mélanie Venditti dévoile Épitaphes, un album-concept très intime
Musique

Mélanie Venditti dévoile Épitaphes, un album-concept très intime

La multi-instrumentiste livre un album percutant, «conçu tel un exorcisme».

Révélée à la 21e édition des Francouvertes ainsi que sur un premier EP homonyme paru en 2017, Mélanie Venditti s’ouvre comme jamais sur Épitaphes, album-concept qui «retrace le parcours de deux deuils vécus au même moment: celui d’une mère décédée brusquement, ainsi que celui d’un amour incompatible». Coréalisé par l’émérite Tonio Morin-Vargas, l’opus a été créé avec des musiciens et amis de l’auteure-compositrice-interprète : Étienne Dupré, Mandela Coupal-Dalgleish, Guillaume Guilbaut et Blaise Borboën-Léonard. Il se déploie en une seule pièce de 45 minutes, «sur laquelle les chansons sont inscrites comme des intertitres».

En attendant sa sortie officielle ce vendredi, l’artiste montréalaise nous présente en primeur son nouvel album.

En quoi cet album-concept t’a permis de faire tes deux deuils?

Tout d’abord, en sortant de moi tout ce que je ressentais, sans me poser de question. Il ne fallait pas que je garde ça à l’intérieur de ma tête. C’était très brut comme façon de faire. Moins cérébral qu’à mon habitude, car ce que j’ai vécu était comme une bombe. Le soir où ma mère est décédée, j’ai reçu un appel très sec d’un ambulancier pour m’annoncer sa mort subite pendant que je marchais dehors à -26. On me demandait déjà où le corps devait aller, dans quel cimetière. Mon esprit était paralysé et mes jambes, sur le pilote automatique. À ce moment-là, je me rendais chez le gars que je fréquentais. C’est lui qui m’a accueilli avec cette terrible nouvelle. J’étais complètement vulnérable et je me suis attachée à la première personne qui a été là pour moi durant ce traumatisme. Notre relation était belle avant ça… mais après ça ne fonctionnait plus, lui n’était pas amoureux, mais moi oui. Je dépendais de ce sentiment pour me réconforter avec quelque chose qui me faisait du bien, mais bien vite mon amour à sens unique alimentait mon malheur.

Je me suis mise à écrire en pensant à ma mère et à lui. En traversant toutes les étapes de ces deux deuils qui se chevauchaient, l’album se dessinait dans ma tête en même temps, donc les chansons se composaient dans un ordre. Quelque part, je voulais que ma mère m’entende. J’aurais tant voulu lui dire que je l’aime avant qu’elle parte. La musique était alors ma façon à moi de lui parler. Je n’avais pas de famille pour m’aider. Je n’ai jamais connu mon père et j’ai appris sa mort plus jeune. Mon frère habite en Alberta… Il me restait alors mes amis musiciens. Jouer avec eux ces chansons a été ma plus grande thérapie. Et c’est ce qui fait que l’album est aussi triste que lumineux. Déjà ils étaient mes amis, mais je les vois comme une famille maintenant.

Doit-on avoir un certain recul pour écrire des paroles à propos d’évènements aussi puissants émotionnellement ou si, au contraire, l’urgence de dire guide l’écriture?

Ça dépend de chacun. Personnellement, l’urgence de sortir tout ça de moi dès que je le vivais m’aidait. Par contre, j’ai pris un an de recul après avoir fini l’album. On aurait pu le sortir l’an dernier, mais je pense que j’aurais été trop à vif dans ma tristesse. J’ai dû prendre du recul sur l’interprétation des pièces et l’écoute de l’album, contrairement à la période de création.

Pour ce qui est de la composition, tu dis avoir joué sur «l’alternance entre l’ombre et la lumière». Qu’est-ce qui a motivé ce choix?

Être proche de la mort nous apprend la résilience, et c’est elle qui fait des petits rayons de lumière dans l’album. La relation avec ma mère était très difficile à cause de sa schizophrénie. Avant, je me sentais toujours coupable de ne pas assez la voir, de ne pas prendre assez soin d’elle. Mais maintenant je réalise qu’au départ, c’est elle qui ne pouvait pas prendre soin de moi. Son décès m’apprend cela. Je vois certaines choses plus clairement. Sans sa maladie, aujourd’hui, je me dis qu’elle ne souffre plus. Je voulais que ça se traduise dans l’album – surtout vers la fin, où les chansons deviennent plus apaisantes alors qu’au milieu, elles sont plus prenantes, sombres et denses.

Je crois aussi que cette «alternance entre l’ombre et la lumière» est à la base même de ma signature artistique. On peut l’entendre sur mon EP qui est sorti en 2017. J’adore créer des gros contrastes dans une même chanson. Je joue beaucoup avec la force VS la douceur et ça, mes musiciens l’ont bien saisi. Ils ne se gênent pas en spectacle pour amplifier et magnifier ces intentions. Il faut dire qu’on a tous écouté du prog à l’adolescence!

Qu’est-ce qui s’en vient dans les prochains mois pour toi?

Des festivals cet été, notamment Les Francos, Le Festif!, le OFF de Québec, ainsi qu’une résidence de création en vue d’un show spécial à l’automne. J’ai aussi un autre EP en construction…  J’aimerais aussi réaliser des albums avec d’autres artistes dans un avenir proche, alors je vais suivre des cours en prise de son et mixage. C’est vraiment un rêve pour moi. En général, les femmes, on ne se sent jamais assez qualifiées dans ce milieu et on est beaucoup moins confiantes que dans un autre domaine. Chaque fois que je suis en studio, j’essaie de poser des questions sans gêne, sans avoir peur du ridicule ou de la primarité de mes questions. Beaucoup d’hommes que je côtoie en musique sont sensibles et prennent le temps de m’expliquer les termes, le «gear», comment fonctionne chaque micro, leur utilité… mais parfois, sans s’en rendre compte, ils veulent tout faire à ma place pour m’aider, alors que c’est le contraire de ce que je recherche. Je sais que ce n’est pas mal intentionné, car ils ont été élevés comme ça, à accourir vers nous lors de problèmes manuels ou techniques, mais sachez messieurs que, si on veut prendre confiance, il faut nous laisser faire certaines choses seules. Et si on ne trouve pas les solutions, montrez-nous comment faire, et faites-nous réessayer avec vous, avec votre patience et sans jugement.