Le scandale surréaliste de Vincent Vallières : Fermont sa gueule
Société

Le scandale surréaliste de Vincent Vallières : Fermont sa gueule

Un artiste choque une communauté, une mairesse exige des excuses, un journaliste modère. Et c’est du bon trolololol.

Dans une entrevue radio, le journaliste très sérieux Paul Arcand, le musicien très réputé Vincent Vallières et la mairesse de Fermont jusqu’ici peu connue du nom de Lise Pelletier ont enfilé des costumes absurdes, ont appris quelques répliques farfelues et sont montés sur scène pour jouer leurs rôles surréalistes. On ne voit pas tout ça, mais on l’entend.

En gros, et c’est là que c’est délicieux, la chanson de Vincent Vallières, Fermont, aurait attristé, peiné et même fait réfléchir la communauté de Fermont, parce qu’on y parle d’ennui et de tristesse à l’égard de cette ville qui, selon sa propagandiste officielle, connaît quand même un petit boom minier. En fait c’est l’histoire d’un gars qui dit à sa blonde qu’elle lui manque tandis qu’il est dans une ville plate, mais que faire de l’amour quand la communauté de Fermont est attristée par les paroles du chansonnier? Tellement pour manifester son désaccord sur la page Facebook de l’artiste.

Le moment radiophonique est tellement surréaliste qu’il faut qu’on se penche sérieusement là-dessus et qu’on décortique un peu.

Vincent Vallières écrit et interprète une chanson du nom de Fermont = Un artiste créé une œuvre musicale romantique. Ceci est un élément déclencheur.

La mairesse de Fermont lui fait comprendre que ça a attristé ses citoyens et que ça les a même fait réfléchir = Une figure d’autorité rappelle à un artiste son devoir moral d’accomplir le même travail que la dite figure. Ceci est un rappel à l’ordre.

Paul Arcand modère l’entrevue, donnant un autre exemple de morceau musical possiblement choquant = Un journaliste sérieux, habitué de discuter des plus grands enjeux de société, parle des effets néfastes d’une œuvre musicale sur le moral d’une figure d’autorité. Ceci est la raison qui, sur la pointe des pieds, quitte l’édifice en refermant la porte derrière elle sans grande fanfare, mais en verrouillant la serrure.

Vincent Vallières s’excuse. Il précise qu’il ne voulait pas blesser. Ceci est un appel au calme.

Le rideau tombe. Ionesco n’aurait pas pu faire mieux.

J’ignore à quel point on peut responsabiliser les artistes pour l’effet de leurs chansons sur les gens. Eminem était-il responsable de la perception de ses auditeurs lors de l’écoute de ses chansons homophobes? Robin Thicke fait-il réellement la justification du viol dans sa chanson Blurred Lines? « I know you want it » implique-t-il nécessairement une résistance du côté de l’objet de sa conquête? Un artiste est-il responsable de l’interprétation de son œuvre?

En intervenant, en s’excusant, Vallières affirme qu’il a une sorte de responsabilité sociale envers des citoyens d’une ville. Son but n’est pas l’accomplissement d’une œuvre musicale aux qualités esthétiques redoutables mais la satisfaction d’un mot d’ordre politique envers les résidents de Fermont.

«C’est que votre chanson nous a fait réfléchir», affirme la mairesse. Elle ne dit pas «merci» ensuite. Et Vincent Vallières s’en excuse. Il s’excuse d’avoir ému des gens avec sa musique.

Fermont sa gueule, donc.

Mise à jour: si jamais d’autres maires veulent se fâcher, Mathieu Charlebois et Pierre Duchesneau ont publié une carte intéractive de chansons s’inspirant de villes au Québec. Définitivement matière à scandale.