Ruquier interviewe Norman de "Norman fait des vidéos" : L’El Dorado du mépris
L’émission On n’est pas couché présente un condensé parfait du mépris des médias traditionnels envers le web.
Le mépris des médias traditionnels envers le pouvoir réel du web est souvent palpable. Il se présente parfois comme un article complètement ignare par rapport à un phénomène populaire. Mais ce mépris est rarement aussi explicite que dans cette «entrevue» à l’émission On n’est pas couché, animée par Laurent Ruquier, producteur puissant en France. Elle date un peu, mais je l’ai découverte récemment.
Dans cette vidéo, il interviewe Norman Thavaud, le célèbre vloggeur français connu sous le nom de «Norman fait des vidéos». Norman Thavaud est la vedette d’une comédie loufoque Pas très normales activités réalisé par Maurice Barthélémy. Il entre donc dans une zone plus officielle que cet animateur connaît mieux, et ce sera l’occasion idéale pour manifester tout son mépris envers une transition médiatique qu’il ne comprend pas réellement.
Tout d’abord, deux petits bémols:
La télévision française est composée de clashs. En général j’adore les regarder, c’est différent de la bonhomie régnante dans la télévision québécoise. Mais ici, il ne s’agit pas de clash, il s’agit d’attaque en bonne et due forme. Il ne s’agit pas de mépris envers l’âge de Norman et la comédienne Stefi Celma, malgré les appels récurrents à l’âgisme. Ce n’est pas la première fois que Ruquier fait face à des jeunes gens créatifs (il en consacre plusieurs dans l’émission On ne demande qu’à en rire). Là, c’est un monstre de la télé qui s’attaque à un monstre du web. Et il montre finalement son vrai visage.
Le moment le plus révélateur, à mon avis, survient très tôt. À 02:08 de l’entrevue, Laurent Ruquier remet en question les statistiques web de Norman.
«En fait, on ne connaît pas vraiment les chiffres… 5 millions, 6 millions, 12 millions de visionnements… au fond, ça présente réellement combien de personnes?»
Voici, à mon avis, l’essence même du sens de l’entrevue: rassurer les annonceurs des émissions de Ruquier en remettant en question la réelle portée des stars du web, qui sont généralement beaucoup plus flexibles dans leur approche de monétisation et qui sont infiniment plus légers dans leurs budgets de production. Cette entrevue, c’est un homme d’affaires paniqué qui tente de rassurer ses investisseurs, en essayant de ridiculiser publiquement son compétiteur. Le reste n’est que confirmation de cette attitude. «On ne veut pas faire les vieux jaloux, mais ça nous emmerde un peu quand même», affirme Laurent Ruquier, en blague. Il n’aura jamais dit si vrai.
Et un amour tout spécial à l’apparition éclaire du philosophe Michel Onfray, que j’adore, qui défend Norman. Boss.
Rappelons que Norman Thivaud est associé avec Cyprien et autres internautes hilares de Golden Mustache, et que leur tournée de Zapping Amazing, dont on se moque à l’émission, a connu un bon succès.
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Ce n’est pas essentiel, mais je vous présente, en bas, un petit timeline des moments les plus méprisants, si jamais vous ne voulez pas regarder l’entrevue au complet.
01:25: «Quand il vous a vu commencer à faire le con, devant la caméra.»
02:08: «Au fond, ça présente réellement combien de personnes?»
03:35: «France 2 n’y est pour rien, même si vous avez piqué notre 2!»
06:10: «Comment il s’appelle votre personnage dans le film?»
À 06:47 commence la critique du film, et c’est du méchant.
07:22: «En fait, ça reste con.»
09:37: «On n’est pas que vieux, on est des vieux cons!»
12:25: «Ils sont jeunes et frais encore, ils ne se prennent pas la tête.»
12:50: «Vous êtes regardés aujourd’hui par un public qui a de 9 à 25 ans quoi, grosso modo. C’est un public très volatile, qui va chercher encore plus de jeunesse quand vous vous serez passé.»
14:50: «Je vois effectivement qu’il y a un look qu’on n’a pas, nous, sur ce plateau.»
15:15: «C’est vrai que nous, on est des vieux cons, on achète nos trucs en France, c’est minable.»
17:30: «Et entre vous, dans le film?» Rien de plus sympathique qu’insinuer que deux jeunes comédiens sont incapables de travailler ensemble sans vouloir baiser. Brillante façon de terminer une entrevue méprisante.
Mais il est dont mauvais Ruquier?!? Et pas seulement pour ce qu’il dit et le fait qu’il est totalement dépassé, mais en tant que communicateur, c’est pas endurable! Ses intonations sonnent fausses, ses relances et ses questions sonnent scriptées. Aucun naturel finalement. Que les invités le sont. C’est pire que Pierre Houde décrivant du hockey!