Zurich, 1916. Des artistes et intellectuels de tous horizons se rassemblent, collaborent et créent, en réaction contre les conventions idéologiques, politiques et esthétiques de l’époque. Défiant les règles dans la plus grande liberté d’expression, ils font naître un mouvement artistique nouveau, joyeux, engagé et… subversif.
Ce mouvement, c’est le dadaïsme, ou Dada, qui a célébré ses 100 ans en 2016. Pour lui rendre hommage, l’auteure-réalisatrice Anita Hugi, le réalisateur David Dufresne et l’agence Akufen ont réalisé Dada-Data, un webdocumentaire interactif, fidèle à l’esprit de ce moment charnière de l’histoire de l’art.
«Pendant 50 ans, il n’y a pas eu de documentaire sur Dada, explique Anita Hugi, initiatrice du projet. Or, le dadaïsme, c’est dans l’ADN du monde, c’est en nous…» David Dufresne, un des auteurs de Dada-Data, va encore plus loin : «Dada, c’est la base de tout, assure-t-il. Les artistes de ce mouvement ont inventé l’écriture instantanée, le collage, le photomontage…» Les réalisateurs voulaient remédier à ce manque.
Comme le disait l’un des protagonistes du mouvement, Richard Huelsenbeck, en 1920 : «On ne peut comprendre Dada. Il faut en faire l’expérience.» Dada-Data est donc constitué de six «hacktions», qui passent du collage de photos Instagram à de la Tweet poésie, où un filtre transforme les images en productions dada. «Certaines pages en viennent à devenir de véritables œuvres d’art», indique Christian Lebel, directeur technique chez Akufen.
Des pratiques dissidentes qui ne sont pas sans rappeler l’esprit qui animait les créateurs de l’Internet. «L’aspect contestataire du Web, sa décentralisation, c’est un point commun avec Dada», indique David Dufresne.
Ce courant artistique présentait déjà en 1916 une philosophie d’opposition à la marchandisation du monde, à sa concentration entre quelques mains. «Aujourd’hui, on peut parler de sa “dataïsation”, dit David Dufresne. Si on avait une guerre à mener, elle serait contre GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) qui collectionne toutes ces informations sur nous pour en faire de la matière marketing.»
Cette résistance s’est fait sentir jusque dans la production. Exit donc, la hiérarchie. Dans la collaboration, les créateurs ont voulu que tous mettent la main à la pâte sur tous les aspects du site. Une manière de faire chaotique qui a, selon les principaux intéressés, bien fonctionné. «Considérant l’ampleur du projet, c’est surprenant à quel point tout s’est bien déroulé», avoue Christian Lebel.
Et l’écho qu’a eu ce projet a de quoi étonner. Dans les 48 heures après la mise en ligne, pas moins de 120 000 visiteurs avaient pris le site d’assaut. «Sur le site Reddit, se rappelle David Dufresne, on a signalé l’existence de notre site et que, tout de suite après, un canal sur le Dada a été ouvert où les gens échangeaient à savoir ce qu’était ce mouvement, à quoi il avait servi, etc.». Depuis, le site est consulté partout dans le monde.
Productrice déléguée : Andrée Harvey // Hara Numérik
Directeur artistique : Daniel Mireault
Journalistes : Paul Blais et Charles Prémont
Réalisatrice vidéo : Émilie Ricard-Harvey // Mode Couleur
Directeur du projet : Michel Jolicoeur
Coordonnatrice : Geneviève Roy
Consultants : Raphaëlle Huysmans (Urbania) et Pascal Pelletier (Figure55)
Produit en collaboration avec la Ville de Montréal et L’inis.