Comment amener les jeunes à se questionner sur leur identité numérique ? C’est la question qui a guidé Daniel Iregui dans la création de l’audacieuse installation DELETE.
La plupart des « enfants du numérique » qui sont allés visiter l’exposition interactive DELETE y ont sans doute vécu leur premier contact avec l’art contemporain. Les installations expérientielles de Daniel Iregui, fondateur et directeur de création du studio Iregular, marient l’art et la technologie avec une esthétique bien à lui.
Originaire de Bogotá, Iregui a choisi de fonder son studio à Montréal en 2010. Ses créations ont été exposées sur tous les continents et ont recueilli un grand nombre d’éloges et de récompenses. Il combine les structures géométriques, le son et la lumière dans un espace interactif qui encourage le public à expérimenter et à interagir avec ses œuvres. Les algorithmes et les logiciels, qui font partie intégrante de ses installations, génèrent en temps réel une expérience unique lors de chaque visite.
Pourquoi alors le Youtheatre, une compagnie de théâtre jeunesse fondée en 1968, a décidé d’approcher ce visionnaire pour produire une expérience interactive destinée aux 8 à 12 ans? Pour Michel Lefebvre, co-créateur du projet et directeur artistique du Youtheatre depuis 1992, il est primordial d’intégrer les nouveaux médias et d’aller au-delà des oeuvres traditionnelles pour que le théâtre jeunesse reste actuel et pertinent.
« Ils aiment faire éclater les formes », explique Daniel. « Ils sont venus nous voir parce qu’ils étaient à la recherche de quelque chose de bien particulier. Nous avons opté pour l’expérience immersive. Nous désirions aborder un sujet pertinent et même important pour le public-cible. »
Il aura fallu deux ans de démarches et de production pour achever DELETE. En 2015, le projet a reçu un appui financier de l’Autorité canadienne pour les enregistrements Internet (ACEI) dans le cadre de son programme d’investissement communautaire, pour son rôle dans le développement de la littératie numérique.
L’œuvre fut présentée à des groupes d’écoliers du 15 au 30 novembre 2016 au Eastern Block, un centre artistique de Montréal qui se positionne à l’avant-garde de l’art numérique en favorisant la collaboration entre les artistes émergents et les artistes établis.
DELETE existe au croisement des démarches de différents organismes qui partagent un but commun : l’évolution du numérique.
L’installation DELETE
Avant la visite, chaque enfant crée un profil virtuel en répondant à un questionnaire en ligne.
Une fois sur place, l’enfant explore et s’amuse dans les quatre espaces de l’installation où se génère en temps réel une mise en scène unique basée sur ce profil, grâce à des projecteurs, des caméras et des micros. «Vous y générez aussi, sans le savoir bien sûr, d’autres données», révèle Daniel.
« Le lendemain, vous recevez le dernier lien, qui complète l’expérience, détaille l’artiste. Il mène à un site web qui ressemble beaucoup à un fil d’activités Facebook. Vous voyez les images et les réponses tirées de votre expérience et de tous ceux qui vous ont accompagné. » L’enfant peut appuyer sur un bouton « delete » pour effacer ces données, mais le bouton se transforme alors en bouton « undelete », qui permet à n’importe qui de simplement restaurer celles-ci…
«DELETE part de l’idée que tout ajout d’information au monde numérique y reste en permanence,» précise Iregui. « Le sujet qui nous préoccupe est de savoir si les technologies numériques […] sont en train d’effacer la frontière entre le réel et le virtuel.»
L’oeuvre pose la question suivante : que voulons-nous conserver de ce qui fait de nous des êtres humains ?
Produit par Xn Québec, en collaboration avec la Ville de Montréal et L’inis
Production déléguée : Andrée Harvey (LaCogency) Réalisation vidéo : Émilie Ricard-Harvey (Mode Couleur)
Coordonnatrice : Geneviève Roy Journaliste : Paul Blais
Consultants : Raphaëlle Huysmans (Urbania) et Pascal Pelletier (Figure55)