Il y a de cela quelques jours, un camarade, tout droit sorti des profondeurs des rapides de Lachine, m’a envoyé un texte dans lequel il est question du malaise que suscite le temps des fêtes chez cedit individu. Vu l’ampleur des propos tenus par Homère Rozzi, je me suis fais un devoir de contacter L’Autorité des marchés financiers du Québec afin de les avertir de la présence non désirable d’un «scrooge» en territoire québécois. En ce qui me concerne, je trouve aberrant que des gens osent tenir de tels propos sur Noël. À mes yeux, ce texte représente une boîte de Pandore et je dois absolument m’en débarrasser en vous le partageant. Plus que jamais, Noël représente un moment dans l’année où les gens partagent, sont solidaires et exercent le don. Pour ce qui est des cadeaux de Noël, vous savez tous très bien que rares sont ceux qui en donnent toujours en 2013. Ce que les gens s’offrent à Noël c’est de l’amour, des bonnes discussions sur les phénomènes sociaux, ils se racontent des histoires chaleureuses et enivrantes sur le bord du feu, ils partagent entre eux leurs craintes, leurs espoirs et leurs rêves. Pourquoi faut-il donc critiquer ce rapport que les Nord-Américains entretiennent avec Noël ? Voici la réponse d’un de mes bons vieux camarades que j’apprécie beaucoup, Homère Rozzi :
Achetez-plus, vivez moins !
« En observant la société occidentale, force m’était de convenir que les “ sages ” n’étaient plus des modèles, mais qu’on leur avait substitué les gens célèbres, riches ou puissants. »
– Matthieu Ricard, Plaidoyer pour l’altruisme
La première bordée de neige recouvre Montréal depuis quelques jours et le mois de décembre est à notre porte. La petite musique du temps des fêtes envahit maintenant les espaces publiques, subtil message subliminal nous commandant de passer en mode « acheter des cadeaux » et de perdre plusieurs heures dans les camps de concentration de la marchandise, les cathédrales consuméristes que sont les centres commerciaux à « loader » nos cartes de crédit. Une ride angoissée se rajoute sous les yeux des citoyens et citoyennes déjà si surchargé-e-s de dettes et d’obligations de toutes sortes : des heures de plus à perdre en fil d’attente, dans un bouchon de circulation sur l’autoroute qui mène au Palace de la consommation, en hésitation et autres terribles angoisses sur « qu’est-ce qui pourrait faire plaisir à la belle-soeur ? ». Dans une société où même l’humain est une marchandise (« l’employé », les « ressources humaines », le « capital humain »), rien de plus normal (c’est le cas de le dire) que de manifester notre amour en « gâtant » nos proches avec des objets, des cossins inutiles (et qui se retrouveront inévitablement au fond du garage). L’idéologie consumériste nous inculque la déresponsabilisation : « acheter au lieu d’écouter ». S’échanger des bébelles (au lieu de conversations instructives) pour oublier finalement que nous nous dirigeons collectivement dans un osti de gros mur de béton armé. C’est les générations futures qui en subiront les traumatismes ; les petits enfants d’aujourd’hui deviendront les martyrs qui paieront cher l’inconscience et l’égoïsme de leurs ainé-e-s.
Cela fait un certain temps que l’esprit de Noël est complètement travesti par la logique du capital. Le Père Noël, au traîneau bourré de cadeaux, a remplacé Dieu le Père et le petit Jésus venu nous apporter la paix et la miséricorde. Ainsi, les enfants sont endoctriné-e-s dès leur plus jeune âge à désirer des cadeaux, c’est-à-dire à devenir des consommateurs et consommatrices aussi débiles que leurs parents. Le dix-30 a remplacé le Vatican et j’en viens à me dire que mieux valait l’ancienne dictature catholique au totalitarisme actuel de l’american way of life. Au moins nous contentions-nous à l’époque de quelques oranges et de l’agréable sentiment de faire partie de la grande famille de Dieu et d’une communauté tricotée serrée. Blotti-e-s les uns contre les autres, nos ancêtres appréciaient la chaleur qui se dégage d’un poêle à bois ou d’une soupe aux pois et remerciaient Dieu de les prémunir du terrible froid hivernal. Aujourd’hui, la classe moyenne (qui ne doit rien à personne) chiale qu’elle paie trop d’impôts bien qu’elle jette 30% de la nourriture qu’elle achète en gros, en sacrant que c’est bien terrible que de devoir pelleter de la neige dans l’entrée de garage. Chaque enfant doit avoir sa chambre, sa télé, son ordi, ses vêtements neufs (et à la mode) ; chaque couple doit être propriétaire d’une maison en banlieue (avec du gazon artificiel et la tondeuse) ; chaque adulte doit avoir une auto (la plus belle possible) et une job qui rapporte ; chaque famille doit être un foyer consumériste atomisé qui ne partage rien avec les voisins et voisines. Aujourd’hui, le tout-inclus à Cuba n’est même plus un luxe ; c’est une nécessité pour empêcher nos « ti pôve » de la classe moyenne de sombrer dans la dépression. Autre temps, autre moeurs. Le courage et l’endurance a fait place aux caprices et à la lâcheté (et je m’inclus là-dedans).
La petitesse de politicailleurs comme Harper, Marois, Charest, Couillard ou Legault, la corruption des élites politiques, patronales et syndicales n’est que le reflet de notre propre corruption quotidienne, de notre propre hypocrisie et de notre propre médiocrité. Nous sommes dirigés par une bande de pantins, de petits crosseurs qui pensent à court terme parce qu’au lieu de nous intéresser à la politique sérieusement, nous préférons nous occuper de notre compte de banque, planifier notre retraite confortable, le prochain voyage etc. Notre propre médiocrité, c’est de vouloir être plus riche que le voisin et de se rentrer la tête dans son nombril en refusant de changer. Notre médiocrité c’est de faire « l’Éloge de la richesse » au lieu de penser à l’humain et à la conséquence de nos gestes, comme nous le commande tous les petits faiseux d’opinions, les petits trous de cul de journaleux grassement payés par Power Corporation et Quebecor qui nous disent de travailler et de consommer plus (dixit Falardeau). Notre corruption quotidienne c’est de refuser de faire face à la réalité en s’anesthésiant avec la TV, les Canadiens de Montréal, l’alcool, les conversations sur la météo ou sur le prix de l’essence. Et cette réalité, cette vérité que nous ne voulons pas entendre, c’est que le système actuel et le mode de vie qui l’accompagne, basé sur la destruction intégrale de notre milieu de vie, ne peuvent plus perdurer (et tôt ou tard disparaîtra sous les colères de la Nature). Rome s’est effondrée suite à la culture corrompue du pain et des jeux ; la Babylone capitaliste s’effondrera sous le poids de ses dépotoirs remplis de déchets et sur l’indifférence généralisée de sa population.
Mon oncle Roger disait que le système capitaliste c’est comme le train fou de Lac-Mégantic. Et les ami-e-s, nous ne sommes pas loin du déraillement final. Les capitalistes ne contrôlent même plus le monstre qu’ils ont créé. Reste à savoir si nous pourrons atteindre la locomotive, reprendre le gouvernail et ralentir sa course folle avant la chute finale.
Joyeux Noël.
Homère Rozzi, le 29 novembre 2013 (jour du Black friday), Montréal.
Si personne ne répond au texte, j’imagine que tout le monde est d’accord avec le propos ? Alors, je vous souhaite un merveilleux temps des fêtes rempli de ce qu’Olivier souhaite : de l’amour, des discussions sur la société, un partage émotif de nos craintes, de nos peurs mais aussi de nos espoirs, le tout au bord d’un beau grand feu (dans le bois si vous pouvez, sinon métaphorique).
Je tiens à remercier mon cher camarade Oli pour cette introduction touchante. C’est rare que des centre-sudistes et des plateux s’intéresse la prose politico-littéraire populiste émanant du fin fond de Verdun. Les rapides de Lachine vous salue.
Le texte de Rozzi est brillent et recherché, je suis en accord avec lui. Noël à selon moi perdu son sens, on l’associe directement à l’achat effreiné de cadeau, d’objets oh combien plus «utiles» les uns que les autres. Oui, Noel s’est inclut dans l’économie de marché comme toutes les autres facettes de nos modes de vie et ce malgré le fait qu’il s’agit avant tout d’une fête religieuse (on l’avait oublié celle la!).
J’aimerais bien être en accord avec toi, Lamoureux-Lafleur, mais malheureusement, il est faux de dire que plus personne ne s’offre de cadeaux aujourd’hui. L’époque des chansons d’amours autour du feux à Noel n’est pas encore à nos portes!
Bonjour Evelyne,
Question de te rassurer, j’étais quelque peu ironique dans ce passage.
Au plaisir!
Bon texte, Homère ! J’étais ado dans les années 70 et on pensait la même chose. Que s’est-il passé ? « On » ça devait vouloir dire » pas beaucoup », j’imagine.
À Alain:
Voulez-vous dire qu’à l’époque, vous n’étiez pas assez nombreuses et nombreux à critiquer la société de consommation et que cela explique en partie l’adhésion actuelle au consumérisme ?
À tous et toutes:
Un article du Devoir mentionne une action qui a eu lieu à l’aéroport pour inciter les touristes québécois à ne pas aller en République dominicaine parce que le gouvernement dominicain vient de retirer la nationalité dominicaine à plus d’un quart de million de dominicain-e-s d’origine haïtienne. Vous vous doutez bien que l’action n’a duré que 5 minutes…
Et bien, un homme a laissé comme commentaire que jamais il ne renoncerait à son exil hivernal en République dominicaine, à moins qu’il ne tombe plus de neige au Québec (le pire, c’est que cela risque d’arriver d’ici quelques décennies). Peut-être étais-ce de l’ironie, n’en reste que plusieurs personnes pensent comme ça et qu’il s’agit d’une démonstration assez claire du cancer idéologique qui anime la majorité.
Homère, c’est ça, je pensais que le monde pensait comme moi (forcément, quand on est jeune et naïf). Mais en définitive, cette critique du consumérisme est peut-être tout aussi marginale aujourd’hui qu’elle l’était à l’époque. Parce qu’à vrai dire, j’entends peu de réflexions à ce sujet au quotidien.
Votre commentaire sous-entend que le sentiment de solidarité est plutôt de l’ordre des velléités puisque que le boycott de la République n’a duré que 5 min. Des études démontreraient que l’être humain agit toujours selon son intérêt. Il peut être solidaire à des causes éloignées à condition d’y trouver un intérêt personnel. Il n’est pas foncièrement égoïste mais il ne peut se résoudre à perdre quelque chose. De là toutes les grandes entreprises de communication pour autant de bonnes ou de mauvaises causes. Ce que vous appelez conditionnement serait à mon avis davantage de l’ordre de la manipulation. On vous laisse croire que vous êtes gagnant à….
En fait, l’action n’a duré que 5 minutes à l’aéroport parce que les activistes se sont fait foutre dehors par les agents de « sécurité ».
Quant à la critique du consumérisme, elle est marginale bien sur, mais je crois qu’elle le deviendra de moins en moins. Les jeunes sont de plus en plus conscientisé-e-s au niveau du rapport humain/écosystème. Pour notre propre survie, mieux vaut changer de mode de vie.
Par rapport au conditionnement, je suis d’accord avec vous : il s’y trouve une bonne dose de manipulation. La propagande (qu’elle soit économique ou politique, de gauche comme de droite) conditionne certaines fois par mensonge direct, d’autres fois (et plus souvent) en omettant certains faits ou en ne regardant que les bons côtés du produit, du service, de l’idée ou du projet politique qui est proposé.
« …se sont fait foutre dehors par les agents de « sécurité » » bonne chute, Homère.
« Les jeunes sont de plus en plus conscientisé-e-s au niveau du rapport humain/écosystème. » c’est probablement vrai en partie, Homère, sinon on ne pourrait pas croire à la théorie de l’évolution. Mais je te rappelle que c’est ce que je croyais aussi quand j’étais « jeune ».
Ce n’est pas la conscience en elle-même qui fait agir mais la conscience de la possibilité de perdre quelque chose. On pourrait donc changer le message : plutôt que de montrer ce qu’on risque de perdre en continuant ainsi, on pourrait démontrer ce que l’on aurait à gagner en changeant notre vision consumériste.
Alors, je reformule mon titre :
« Achetez moins et vivez plus ! »
La masse n’est malheureusement pas active, mais bien passive. Les sujets, rarement dynamiques, mais plutôt amorphes. Le confort et l’indifférence, voilà ce qui régule le rapport citoyen/société. Triste et cynique comme vision? Non, c’est ainsi! Au plaisir,
Maintenant il faut trouver des solutions!
Soûlons-nous la fraise pour oublier tout ça 🙂
Les jeunes de plus en plus conscientisés au niveau du rapport humain -écosystème? Comment se fait-il que lorsque je suis allé voir star académie dans un parc a Drummondville ,plein de jeunes et moins jeunes ont jetés leurs déchets par terre?Il n’y avait pas un endroit ou mettre ses pieds sans marcher sur des ordures après le spectacle.Pourtant il y avait des poubelles dans ce parc.
Si vous voulez voir des gens conscientisés par l’environnement ,allez donc faire un tour dans les réserves Amérindiennes.Après un pow wow ,c’est propre.J’ai même lu sur internet que les Mohawks ont un système d’épuration de l’eau supérieur aux Blancs.L’eau est de meilleure qualité que l’eau filtrée par les Blancs.
« Comment se fait-il que lorsque je suis allé voir star académie dans un parc a Drummondville,plein de jeunes et moins jeunes ont jetés leurs déchets par terre? »
La réponse est dans la question : Star Académie.
Sas blague, il reste un ÉNORME travail à faire. Mais j’ai tout de même l’impression que les jeunes sont généralement un peu plus conscientisé-e-s par rapport à l’écologie. Il me semble y avoir plus de groupes environnementalistes aujourd’hui, plus de jeunes qui mangent bio et qui s’intéresse à la consommation locale, etc. Et puis, il faut bien se donner un peu d’espoir, non ?
Oui, il y a de l »espoir! je pense aussi que les jeunes sont de plus en plus conscientisés aux effets des actions de l’humain sur leur environnement, bien que cela soit encore très marginal. D’ailleurs, les comportement de consommation «écho responsables», «verts» deviennent à la mode! Les commerces, restaurant et entreprises s’en servent abondamment comme technique de marketing. Il y a une mauvaise association à faire entre la consommation et l’environnement, mais du moins, cela indique que les consciences s’aiguisent! Les changements de mentalités se font lentement, mais surement!