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L’assimilation par le hockey

On aurait pu s’attendre d’un expert autoproclamé des médias sportifs une première contribution autour de la flambée de violence qu’a engendré les propos controversés de Michael Cammalleri au sujet de son équipe de « losers ».

Mais le meta-analyste sportif se doit de ne pas tomber dans le piège de la facilité que confère un domaine qui permet de butiner d’une conclusion à son contraire sans perdre de crédibilité. Il faut savoir prendre un certain recul et accepter d’être un peu décalé par rapport à l’actualité.

Je discuterai donc aujourd’hui de quelques jolis propos entendus au sujet de la nomination de Randy Cunneyworth à titre d’entraîneur pas bilingue de Canadien. C’est le genre d’analyse que je tenterai de faire la plupart du temps sur ce blogue, même si parfois il m’arrivera de traiter de sujets moins importants comme la politique ou la faim dans le monde.

Il faut d’abord constater que la situation de l’équipe n’est pas des plus jojo à l’heure actuelle. Certains joueurs font la baboune, d’autres se chicanent et selon le gars qui fait les petits dessins enfantins à la fin du Journal de Montréal, Andreï Kostitsyn s’empiffrerait de beignes à tour de bras. Quoi de mieux justement qu’une caricature pour décrire l’ampleur du désastre ? Réjean Tremblay a commenté le chef-d’oeuvre de son nouveau collègue sur les ondes du 98,5 : « un ptit dessin de rien des fois là, ça vaut un grand éditorial vaseux qui dit rien ». Et disons que Réjean, il s’y connait en matière d’éditoriaux vaseux.

Mais on peut comprendre Réjean de s’extasier devant les caricatures du Journal qui nouvellement l’emploie. Personnellement à 16 ans lorsque j’ai commencé à travailler chez Michel Sous-marins, je criais sur tous les toits que sa pizza était la meilleure. Deux crises d’acné plus loin, les gens m’accordaient moins de crédibilité. Ça arrivera peut-être à Réjean aussi.

Tout ça pour dire que le portrait ci-haut, malgré toute sa justesse, fait abstraction de la crise sociale émanant de la nomination du coach bilingue dans une seule langue. Peut-être parce que ça n’affecte pas vraiment la capacité de Cammalleri de lancer à côté du net ou peut-être parce que ça se dessine mal, une langue anglaise.

Un coach donc que l’on sait voué à une courte carrière puisque, comme l’a expliqué Ron Fournier, « même Berlitz ne pourrait le faire parler français« , estimant que de savoir dire « sandwich pis tout ça, c’est pas suffisant« , juste avant de s’interroger si au départ, sandwich est un mot français ou anglais. Pas nécessaire de maîtriser une langue pour s’insurger contre ceux qui nuisent à sa survie. Suffit d’être bon pour faire des bruits de bouche dans un micro.

Il faut dire que les auditeurs de Ron s’en moquent sans doute. Comme l’a expliqué le populiste Jean-Charles Lajoie, les dirigeants de Canadien on bien compris à quel point nous étions un peuple de jambons : « Tsé tu quoi, y nous regardent là, pis y s’en moquent, y disent, regarde la gang de caves. Ça c’est ceux qui attendent quinze heures à l’urgence pis qui se plaignent pas. Ils s’habituent à toute, ce sont des cons, ce sont des colons, ce sont des caves, c’est ce qu’ils se disent », a-t-il postillonné au micro de Benoît Dutrizac.

Une société de colons dont l’assimilation est machiavéliquement menée par l’entremise de son équipe de hockey préférée. Le grand Réjean estime même que Saku Koivu était une sorte de Cheval de Troie : « L’institution comme telle du Canadien, ça précède la Caisse de dépôt en anglais seulement, la Banque Nationale… Tout a été précédé pis annoncé par Saku Koivu, et les gens disent regardent, ils tolèrent Saku Koivu, ils vont tolérer maintenant Cunneyworth. Ça veut dire que c’est une société qui est prête à accepter n’importe quoi pis à se pencher en deux.”

Très loin de moi l’idée de minimiser la menace que coure le français à Montréal. Je suis un pur et dur de sa défense et je suis déçu de la nomination d’un entraîneur anglophone. On peut toutefois se questionner sur l’égocentrisme des experts sportifs qui voient Canadien comme le centre de cette menace. À passer ses journées à suivre les moindres faits et gestes du troisième trio, il peut arriver qu’on en vienne à penser que le monde tourne autour de Canadien.

N’empêche que cette société de colons semble avoir en tête un colon en chef qui pourrait présider à la destinée de l’équipe dès l’an prochain. Un homme qui pourrait nous représenter fièrement et aider l’équipe autant que la qualité du français des jeunes de nos jours.

On parle ici bien sûr de Patrick Roy, qui déçu de l’arbitrage lors d’un récent match de son équipe junior, tint à peu près ce langage : « j’t’en tabarnak… pis solide en esti, parce que le troisième but là, y’était pas bon criss… ça là, c’est une disgrâce… chez nous à Québec là câlisse là, yé wèye ces estis de buts là… icitte, gang de criss d’amateurs. »

En voilà un qui dit les vraies affaires dans la langue du p’tit Jésus. Avec Casseaux comme coach, on va l’avoir notre Coupe Stanley.

Alors voilà pour mon premier éditorial vaseux qui dit rien. Comme dirait François Gagnon, on reconnecte plus tard.