La guerre est lancée au Québec entre les principaux services d’écoute de musique en ligne (streaming). La technologie le permet enfin. Grâce à internet et la mobilité qu’offre le réseau 3G, la dématérialisation totale de la musique est maintenant possible. Plus besoin de disques ou de lecteur mp3 pour stocker la musique. Vos albums préférés se trouvent maintenant sur de puissants serveurs auxquels vous pouvez accéder en toute légalité via un abonnement mensuel.
Vous souhaitez écouter l’album de Lisa LeBlanc? Ceux des White Stripes? Le dernier Angèle Dubeau? Quelques clics suffiront, et l’opération sera plus facile que de fouiller les sites de téléchargement illégaux. Et puisque les artistes y percevront même des redevances, certains considèrent l’écoute de musique en ligne comme la voie de l’avenir, le sauveur de l’industrie.
Ce buffet «all you can eat» de musique est offert en Europe depuis déjà quelques années via les plateformes Rdio (maintenant disponible ici) et Spotify (toujours non-disponible au Canada). Or, la conquête du territoire québécois s’est réellement amorcée il y a deux semaines avec l’arrivée de Zik, le service d’écoute en ligne d’Archambault. Moyennant 9.99$ par mois (abonnement ordinateur seulement) ou 14.99$ (ordinateur, téléphone mobile et tablette), vous accédez à 12 millions de chansons, dont 1.2 millions de titres en français. La précision est importante considérant que l’offre francophone s’annonce déjà comme le nerf de la guerre au Québec.
Je navigue sur Zik depuis deux semaines. Quatorze jours passés surtout à tester sa banque de chansons (ce que tout le monde peut faire sans abonnement d’ailleurs). Les trouvailles sont nombreuses. Les déceptions aussi. Si les utilisateurs peuvent y écouter le premier Patrick Watson, Just Another Ordinary Day, le plus récent de Lorraine Desmarais ou les plus grands succès de Robert Charlebois, impossible de se farcir Revolver ou Abbey Road parce que les Beatles n’ont toujours pas consenti les droits de leurs albums.
Négocier avec les différents ayants droit demeure le grand défi de ces services d’écoute. Certaines ententes ont été signées, d’autres non. Ainsi, ce n’est pas parce que Rather Ripped de Sonic Youth y est offert que vous trouverez nécessairement le mythique Daydream Nation, absent chez Zik.
Bref, il est encore préférable de conserver sa discothèque physique et de plutôt considérer Zik comme un bon complément, une alternative efficace et légale au piratage pour le prix d’un seul disque par mois. L’abonnement à 14.99$ paraît d’ailleurs abordable, mais il ne faut pas oublier que sa valeur résiduelle est nulle. Si vous décidez de quitter le service après deux ans, il ne vous restera rien (sinon les souvenirs) de vos disques préférés, contrairement à si vous aviez acheté 24 disques.
Ainsi, tant que les services d’écoute en ligne ne pourront offrir un catalogue quasi complet, ce qui semble pratiquement impossible, Zik ne pourra pas devenir votre unique source musicale.
À ce sujet, certains groupes viennent mettre des bâtons dans les roues de Spotify, Zik et Rdio sous prétexte que les redevances versées aux artistes sont négligeables. Les principaux joueurs n’ont pas avancé de chiffres concrets, mais selon le site européen ElectronLibre.info, un artiste pourrait recevoir 1000 € pour un million de titres joués. À ce prix, les Black Keys ont décidé pour l’instant de ne pas rendre disponible leur nouveau disque, El Camino, jugeant que ces plateformes cannibalisent les ventes d’albums dans les mois suivant leur parution.
Deux autres raisons intimement liées m’amènent à considérer Zik comme un complément musical: la qualité sonore, passable pour une écoute sur iPhone avec un casque de base, mais insuffisante pour une écoute agréable sur une chaîne hi-fi; et le nombre de Mo que gobe Zik sur un forfait 3G. Mon calcul n’a rien de scientifique, mais j’estime en moyenne que l’écoute d’un album utilise 40 mo de votre forfait. Si ce dernier est limité à 1 Go, vous devrez sans doute restreindre votre consommation musicale. Mince consolation, Zik vous permet de télécharger les pièces de vos listes de lectures pour permettre une écoute hors connexion. Les chansons sont stockées à même l’application, ce qui rend tout partage de fichiers impossible.
Le verdict? Zik n’est pas la révolution que j’attendais, mais puisqu’Archambault offre un mois d’essai gratuit, l’abonnement vaut le coup, quitte à le résilier si votre utilisation du service ne justifie pas les 15$ que vous débourserez chaque mois.
Sur ce, je retourne à mes vinyles. Le nouveau pressing du Paul’s Boutique des Beastie Boys sonne comme une tonne de briques.