La série d’entrées de blogue Session d’écoute découle d’un fantasme de mélomane: se rendre dans un studio de référence hi-fi, Le Lab Mastering, afin d’écouter pour la première fois un nouveau disque en compagnie de son créateur. Le but n’est pas d’accoucher d’une critique (impossible après une seule écoute), mais bien de confronter les premières impressions, à chaud, avec celles de l’artiste.
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Avec sa dégaine nonchalante, sa main qui groove le long du manche de sa guitare et sa voix feutrée, Karim Ouellet charme sur scène au premier coup d’oeil. Dans l’antre du studio Lab Mastering, le musicien de Québec et originaire du Dakar s’avère tout aussi charismatique, calme et brillant.
Cette séance d’écoute organisée pour la sortie de son deuxième album solo, Fox, on l’attendait depuis l’hiver 2011, période où il lançait Plume, un premier disque un peu brouillon, mais immortalisant trois pièces pop prometteuses pour la suite: Le Monstre, En Couleur et Météore. On comprenait alors que le guitariste aperçu avec Accrophone, Marième, Movèzerbe et Fidelplasma avait trop à offrir pour se cantonner au rôle d’accompagnateur. Le meilleur était à venir.
Conscient des attentes, il affirme d’emblée avoir produit un nouveau disque plus réfléchi que Plume, plus concis. Dans le lecteur, le compact affiche 38 minutes 16 secondes. On appuie sur «play», et les premières notes de guitares électriques résonnent avec clarté dans les deux tours d’haut-parleur Focal.
Fox, s’ouvre avec la pièce titre. Déjà, la voix de Karim Ouellet apaise. Le rythme est décontracté malgré des basses chaleureuses qui lui confèrent une touche plus urbaine. Ensoleillé, le piano martelé ajoute en légèreté, tout comme les choeurs enveloppant chantés par Karim.
Suit Foudres, l’une des meilleures pièces du compact qui, avec sa forme concise et ses arrangements de violons, de claviers et de sonorités électro délicates, confirme une intuition: Karim Ouellet tient entre ses mains le disque espéré. Les couplets et refrains s’enchaînent sans heurt. Les pièces sont courtes, raffinées et accessibles sans être prévisibles.
Épaulé par Claude Bégin (Accrophone), le compositeur assume pleinement son statut d’artiste pop et délaisse l’improvisation qui caractérise souvent les productions de ses principaux collègues de Québec. Les passages instrumentaux se font rare. Karim va droit au but. «On a produit le disque sur une courte durée, confie-t-il. Tout était davantage planifié. Pour Plume, je me levais le matin en demandant aux amis s’ils avaient envie de jammer. Il y a avait plus de laisser-aller. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais je voulais être plus direct.»
Arrive ensuite Le Lapin Blanc qui rappelle presque une pièce de Coeur de Pirate avec ses arrangements de piano et ses cuivres aux allures de fanfare. On imagine d’ailleurs aisément Karim Ouellet se produire lors des premières parties de la blonde chanteuse. Encore une fois, les choeurs détonnent et font preuve d’inventivité. Même si l’auteur propose une troisième chanson d’amour de suite (la majorité des textes parlent d’amour), son ton est juste, les images puissantes: «À la fin de la soirée / Voudras-tu que je reste / J’ai du champagne et des cigarettes». Les fans y reconnaitront le falsetto entendu dans Météore.
Plus lente, Marie-Jo est jusqu’à maintenant la pièce qui m’interpelle le moins. La balade n’est pas mal construite, mais sa mélodie moins inspirée.
On préfère de loin la suivante, Cyclone, qui vous hante longtemps après la première écoute. La mélodie coule, et ce, même si le pont rappelle un certain passage de Le Pyromane de Karkwa. La guitare acoustique est agile. Les percussions, inventives. L’orgue ajoute en profondeur. On l’écoutera en boucle celle-là.
Même constat pour L’Amour. Ses arrangements de cuivres et sa section rythmique soul moderne lui donnent de l’aplomb. «C’est un mélange de sampling et de vrai drum, explique Karim. On peut notamment y entendre deux bass drums, un vrai et un faux. Ça ajoute de la profondeur au son.» Groovy, l’hymne est parfait pour les radios commerciales. Petit bémol: deux points perdus pour le cliché «Dis-moi qu’est-ce qu’on va faire / On fait l’amour / On fait la guerre».
Seul titre reggae de Fox, La moindre des choses vous hypnotise. On y joue habilement avec la voix, allant bien au-delà des simples effets d’écho et de réverbération associés au genre. L’orgue résonne et trouve écho dans des échantillons de violons qui, aux dires de Karim, proviennent d’une pièce d’Accrophone. «Toutes les pistes de violons de Fox proviennent des sampling utilisés pour la pièce Coin de paradis d’Accrophone. Nous les avions à portée de main. On s’est pas trop cassé la tête.»
Huitième morceau, Les Brumes mise sur la même basse soul rétro que L’Amour. Le résultat est toutefois plus langoureux. Encore une fois, la mélodie vole la vedette, et les arrangements sont foisonnants. On craque pour le pont planant, à écouter les yeux fermés vers les 0:55, et le solo de guitare atypique vers les 2:52.
Avant dernier titre, Décembre rappelle le plus récent disque de Bon Iver pour ses expérimentations électro et son utilisation de l’auto-tune. Le rythme est plus lent, plus cérébral. La chanson détonne de l’ensemble et brise le rythme lorsqu’arrive Sarahmée, la sœur de Karim, qui rappe avec agressivité. Pas surprenant qu’on l’ait placée en fin de parcours, juste avant une composition folk instrumentale qui ferme bien la marche.
En magasin le 27 novembre, Fox de Karim Ouellet est présentement en écoute sur le site de Voir.