La gastronomie française s’invite au musée
Avec sa nouvelle exposition qui prendra l’affiche le 6 juin prochain, Pointe-à-Callière explore l’histoire du repas des Français. Entre anecdotes, objets d’art et gourmandise, l’expo voyage d’hier à aujourd’hui et célèbre le grand art de la gastronomie.
En 2010, le repas gastronomique des Français est reconnu comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Francine Lelièvre, directrice générale de Pointe-à-Callière et intéressée depuis toujours à la cuisine, amorce alors une réflexion sur le sujet. À part une exposition sur les tables royales d’Europe présentée il y a une vingtaine d’années à Versailles, aucune rétrospective sur la gastronomie française n’a encore été réalisée dans un musée. C’est que la tâche est grande car il s’agit de réaliser le survol d’un sujet très étendu dans le temps et l’espace. Une réflexion qui aboutit aujourd’hui sur À table ! Le repas français se raconte.
«Le Québec a été influencé par la gastronomie française, note Francine Lelièvre. Encore aujourd’hui, les Français prennent le temps de manger ensemble. Le repas français est un acte social, partagé, que les gens prennent le temps d’apprécier. C’est une sorte de trait culturel français. Nos ancêtres ont apporté avec eux cette culture, en plus de la grande diversité de produits. Aujourd’hui, la cuisine française n’est plus la seule grande cuisine dans le monde, mais elle conserve sa place et sa personnalité.»
L’art de la table
La gastronomie en France, c’est une histoire de savoir-faire, mais aussi de savoir-être. L’exposition revient sur l’étiquette à table ainsi que sur l’importance de l’alimentation dans l’histoire du pays. «Les gens qui avaient le pouvoir ont accordé énormément d’importance à la nourriture, et cette culture s’est transmise aux plus pauvres», explique la directrice du musée. Ce savoir-faire français, ce sont les grands chefs et la qualité des produits, mais également la façon de servir et les arts de la table, ces objets utiles mais aussi décoratifs.
L’exposition compte un millier d’objets différents, provenant notamment de la Cristallerie Saint-Louis, de Hermès, de Christofle, de Limoges et de la manufacture de Sèvres. Autant d’objets issus d’une quinzaine de partenaires, institutions muséales et grandes maisons. On y trouve des pièces ayant appartenues à la royauté et des ensembles de vaisselle de toutes les époques, y compris des éléments contemporains ou fantaisistes.
«On a rassemblé des trésors d’orfèvrerie exceptionnels, des objets très diversifiés qui ont traversé le temps», indique Francine Lelièvre. Parmi les éléments marquants, elle cite notamment l’ensemble Cheval d’Orient de Hermès, une collection de 90 pièces peintes à la main, la table de l’empereur Napoléon III, ou des objets ayant appartenu à Marie-Antoinette. Outre les objets d’orfèvrerie, on pourra aussi découvrir le petit théâtre du vin, une expérience multimédia dans laquelle des personnages illustres à travers les époques parlent du vin.
Voyage dans le temps
L’exposition se construit de façon chronologique afin de comprendre l’évolution de la gastronomie française. Le Moyen-Âge est un temps fort, qui voit notamment l’apparition des épices et explique l’origine de l’expression «dresser la table» – ce qu’on faisait littéralement au moment de manger, sur tréteaux. La Renaissance marque ensuite l’arrivée du sel, de la serviette de table; avant, on s’essuyait sur la nappe! Sous Louis XIV, c’est la nouvelle cuisine. Avec son grand jardin à Versailles, le Roi Soleil réhabilite les légumes. On observe aussi à cette époque la stratification de l’étiquette à table.
Les boissons comme le thé, le café et le chocolat font leur apparition au Siècle des Lumières, siècle d’apparat où la cuisine est très importante. Au 19e siècle, les aristocrates perdent de leur pouvoir et n’ont plus les moyens d’avoir une brigade de cuisine chez eux; les chefs ouvrent alors leurs propres restaurants. La diplomatie se fait aussi par la cuisine, et la plupart des chefs dans les lieux de pouvoir à l’étranger sont français. «Presque toutes les cours d’Europe voulaient un chef français!», assure la directrice du musée.
C’est seulement au 19e siècle qu’est créé le terme de «gastronomie», avec la multiplication des restaurants et l’apparition des critiques. Beaucoup d’écrivains parlent de la cuisine (Dumas, Colette, etc…), et elle devient un art et un sujet de discussion. Au 20e siècle, voici la nouvelle cuisine, la cuisine fusion: on essaie tout! Dans cette nouvelle cuisine, menée par Escoffier ou Bocuse, on allège. Notre siècle voit aujourd’hui l’universalisation de la cuisine, avec la mise en avant de produit d’exception ou encore la tendance végétarienne.
Un beau retour dans le temps au fil des assiettes, présenté au musée montréalais jusqu’au 13 octobre – et qui donnera sans nul doute le goût de s’offrir ensuite un bon repas. «Avec cette exposition, on veut faire en sorte que les gens soient amenés à apprécier les moments partagés à table…»
À table ! Le repas français se raconte
Pointe-à-Callière – Montréal
du 6 juin au 13 octobre