L’indignation lumineuse de Jim Carrey au Centre Phi
Phi présente This Light Never Goes Out: les dessins engagés de Jim Carrey, une sélection d’une cinquantaine d’oeuvres de l’artiste, qui pose un regard acerbe sur l’actualité.
Dans le court documentaire Jim Carrey: I Needed Color, diffusé en ligne il y a deux ans, le Canadien d’origine dévoilait un nouveau pan de sa démarche artistique, picturale cette fois. Suite à une rupture amoureuse particulièrement douloureuse, au coeur de l’hiver blafard de New York où il vivait à l’époque, le constat lui est tombé dessus comme un coup de poing: «J’avais besoin de couleur.»
Carrey partage avec plusieurs des personnages de fiction qu’il a incarnés et qui l’ont fait connaître un niveau d’intensité élevé. S’il avait beaucoup dessiné dans son enfance, divisant son temps entre les sketchs humoristiques devant public au salon et les esquisses dans sa chambre, cette rencontre avec la peinture à l’âge adulte a vite pris une immense place dans sa vie, au propre comme au figuré. «Je suis devenu tellement obsédé qu’il n’y avait aucun espace où se mouvoir chez moi», raconte-t-il.
L’art comme outil de discussion
En 2016, Carrey se lance dans la caricature politique sur une base régulière, ce qui coïncide avec l’élection de Donald Trump. Il partage ensuite ses coups de gueule et ses cris du coeur illustrés dans l’urgence sur son compte Twitter, qui rassemble à ce jour 18,4 millions d’abonnés, incarnant une bougie d’allumage pour des conversations engagées.
C’est dans cette optique que Phi l’a approché. «On était très intéressés par le travail de Jim [Carrey] dans ce contexte, pas seulement parce que c’est une personnalité publique», exposait la fondatrice Phoebe Greenberg lors de la visite de presse. «La façon dont son point de vue est transmis au public est intéressante dans sa modernité. Ce sont des caricatures politiques, et ce sont aussi des oeuvres sur papier qui sont déployées sur Twitter en conversation directe avec une génération.»
Une première mondiale
L’exposition This Light Never Goes Out: les dessins engagés de Jim Carrey regroupe ainsi le plus grand nombre d’oeuvres de l’artiste réunies et contextualisées à ce jour. Mme Greenberg est allée rencontrer M. Carrey à Los Angeles, où il habite désormais, et ce dernier s’est beaucoup impliqué dans le design de l’exposition et la sélection des dessins, en ayant en tête le public d’ici. Le résultat s’insère bien dans le mandat du Centre Phi puisque l’exposition pose la question de la diffusion artistique en lien avec l’engagement avec le public en ligne, lieu où l’attention s’évapore souvent très vite.
«Il est intéressant pour nous de permettre à la conversation d’avoir lieu», se réjouit la fondatrice. «Nous sommes en mesure de présenter ces oeuvres dans une progression chronologique, alors que sur le web on les trouve et les consomme évidemment de manière plus arbitraire.»
Pour mieux situer les oeuvres choisies, le public peut consulter le fil Twitter complet de l’artiste et le dérouler comme une fresque, alors que trône sur un écran à côté le tweet du jour: deux rappels que l’engagement de M. Carrey se poursuit dans le temps.
Une lumière qui ne s’éteint pas
C’est un autoportrait de Jim Carrey qui agit comme pièce-titre. Des rayons lumineux semblent émerger de l’intérieur de son visage, en référence à l’impulsion créative qui le fait s’atteler presque quotidiennement à sa table à dessin. Cet élan se compose à la fois de colère et d’amour, nécessaire pour contrebalancer l’acidité qui se dégage de la plupart des croquis. «Je ne déteste pas les personnes que je dessine», précise M. Carrey dans son mot d’introduction. «Exprimer mon indignation par mon art dans les médias sociaux, c’est ma façon d’être solidaire aux millions de personnes qui partagent mes préoccupations.»
L’exposition n’est donc pas que noire, même si l’époque semble bien s’accommoder de teintes sombres. La dernière section se consacre ainsi à des célébrités ou à des événements agissant comme des phares pour le dessinateur. Du nombre, on peut voir un portrait délicat de Barack Obama, un autre de Robin Williams, dont Carrey a «toujours aimé, respecté, et admiré son intelligence», la juge de la Cour suprême des États-Unis Ruth Bader Ginsberg, Stephen Hawking ou encore la compagnie Nike pour son «capitalisme moral», en lien avec sa décision de continuer d’endosser le footballeur Colin Kaepernick.
Pour Mme Greenberg comme pour M. Carrey, cette partie était primordiale afin de semer «de l’espoir pour la prochaine génération». Si l’exposition dénonce principalement les travers de l’époque, elle montre aussi qu’il est préférable de provoquer des discussions que de rester indifférent, et surtout, qu’il vaut mieux en rire, même jaune, qu’en pleurer.
This Light Never Goes Out: les dessins engagés de Jim Carrey
Jusqu’au 1er septembre au Centre Phi
phi-centre.com