Marina Abramović, Olafur Eliasson et Laurie Anderson au Centre Phi: l’art contemporain sous une nouvelle forme
Le pôle culturel montréalais invite certains des artistes contemporains les plus en vue du moment à présenter leurs œuvres en réalité virtuelle.
Medium au potentiel infini, la réalité virtuelle a été fortement associée aux jeux vidéo ou au cinéma dans les dernières années. Toujours à l’affût des nouvelles tendances, les artistes contemporains s’y intéressent maintenant avec un engouement manifeste. Deuxième et dernière exposition de l’année au Centre Phi, Cadavre exquis amène le spectateur sur un terrain virtuel foisonnant, qui laisse entrevoir toute l’audace de ses possibilités artistiques.
On entre d’abord dans l’univers de l’Américaine Laurie Anderson qui, depuis ses débuts dans les années 1970, alors que le pop art atteignait son point culminant, a toujours voulu se surpasser. Trois de ses plus récentes œuvres créées en collaboration avec le réalisateur taïwanais Hsin-Chien Huang sont en vedette dans le cadre de Cadavre exquis.
Au premier étage du Centre Phi, une salle a été spécialement aménagée pour présenter ce triptyque cosmique. Les vingt premières minutes sont une plongée dans l’univers de Chalkroom, espace obscur et informe peuplé de lettres qui volent dans les airs pour mieux retomber en poussière et permettre au visiteur de découvrir l’endroit dans lequel il se trouve.
L’étape suivante, To The Moon, est une épopée lunaire. Une œuvre avant-gardiste présentée en première canadienne qui propose un voyage imaginaire, où des symboles notamment associés à la préhistoire, à la mythologie grecque et à la science-fiction se combinent pour mieux nous faire réfléchir sur l’état de notre monde. Puis, tout au fond de la salle, le périple se poursuit avec Aloft, également présentée en première canadienne. Seul passager d’un avion de ligne, le participant voit rapidement l’appareil se désintégrer autour de lui et part dans seconde exploration spatiale des plus vertigineuses.
Le retour au monde réel est saisissant, mais la visite est loin d’être terminée : cinq autres œuvres en réalité virtuelle, toutes présentées dans de grandes cabines vitrées, attendent les plus curieux.
Au beau milieu de cet espace futuriste, on retrouve Bodyless, l’œuvre solo de Hsin-Chien Huang, présentée durant la Mostra de Venise plus tôt cette année. Pendant une demi-heure, l’artiste taïwanais nous ramène dans les années 1960, alors que la loi martiale minait le climat social de sa nation. On y suit le destin d’un vieux prisonnier politique qui se métamorphose en robot durant le mois des morts. Une expérience fascinante qui, à défaut d’être aussi interactive que ses œuvres avec Anderson, se révèle fascinante par son récit.
Dans un genre un peu moins intense, mais non moins captivant, on se doit de souligner l’inventivité de l’artiste danois renommé Olafur Eliasson sur Rainbow. Produite par Acute Art (et elle aussi présentée en primeur canadienne), cette œuvre nous amène au cœur d’un arc-en-ciel, qui se façonne au gré des mouvements des éléments.
L’eau est également au cœur de Rising, un appel à l’action de la grande Marina Abramović. Pendant huit minutes, l’artiste de 72 ans nous fait vivre toutes sortes d’émotions, en nous priant de l’aider à se sortir d’un immense tube vitré qui se remplit lentement. Une manière pour l’artiste serbe de nous sensibiliser aux changements climatiques. On ressort de là complètement sonné.
Mais peu importe l’état dans lequel vous vous trouvez en redescendant au rez-de-chaussée du centre, vous vous devez d’expérimenter Prerequisites 7 de l’artiste minimaliste coréenne Jeong-A Koo, une des manifestations les plus tangibles de ce à quoi ressemblera potentiellement l’art dans un monde où régnera la réalité augmentée. À l’aide d’un téléphone et de l’application Acute Art, cette œuvre nous propose de déambuler dans le centre artistique et de voir s’animer devant nous une tout autre dimension virtuelle.
Cadavre exquis regorge d’objets artistiques audacieux, à voir et à expérimenter d’ici le 19 janvier 2020