JORDANN au Centre Phi : Danser en pleurant
Avec cinq chansons, le musicien JORDANN a réussi à cumuler des millions d’écoutes sur Spotify et créer des bassins de fans au Japon, au Mexique et en Argentine. Nous l’avons rencontré alors qu’il s’apprête à doubler son répertoire avec la sortie du EP Connecting Visitors to Fun.
«Pleurer en dansant, ou danser en pleurant. Whichever comes first», résume avec un sourire en coin Jordan Hébert à propos de ce qu’il souhaite transmettre avec sa musique. «Un espèce de melting pot de mélancolie qui groove. C’est vraiment ça que j’essaie d’aller chercher.»
Cela est particulièrement vrai avec les pièces du nouvel EP Connecting Visitors to Fun, un album-concept dont le point de départ a été le contexte de travail conservateur d’un emploi qu’il a occupé. «C’est un peu une vision ironique sur un genre de marché des années 1990, sur l’optimisme corporatif, explique-t-il. Je n’ai jamais pensé que je pouvais romancer ça.»
Et pourtant, avec ses lignes de basse entraînantes, les envolées de clavier qui titillent la nostalgie et la manière très instinctive de JORDANN d’aborder chaque chanson, le nouvel EP transcende la grisaille corporative et parvient à évoquer ces sentiments sans pour autant alourdir l’état d’esprit de ceux et celles qui l’écoutent.
Extrêmement minutieux, le musicien a pris un an et demi pour fignoler son album. «Je pense que si tu veux créer quelconque forme de pertinence culturelle, tu dois mettre ton cœur et ton âme dans ton produit.»
«Sur mes plateformes, je reçois de plus en plus de messages de gens qui me disent : «j’écoute quelques-unes de tes chansons le soir en m’endormant et ça me permet de prendre le temps, de réfléchir sur ma journée, sur ce qui s’est passé.»» La sortie du EP devrait contribuer à alimenter ces nouveaux fans: «Le défi, lorsque j’avais seulement quelques chansons aux teintes vraiment différentes, c’est que c’est difficile de se poser et réfléchir pendant trois minutes et quart. Avec Connecting Visitors to Fun, on va pouvoir le faire pendant toute la durée de l’opus, 22 minutes.»
Nostalgie corporative et images feutrées
JORDANN a une vision très claire de l’esthétique qu’il souhaite véhiculer et de la façon de la décliner sur les différentes plateformes sociales. Toutes ses photos sont prises avec une caméra 480p dotée d’un flash qui surexpose l’image. «J’adore cette esthétique-là. Je trouve qu’il y a quelque chose de vraiment honnête», commente-t-il.
Ses vidéoclips savamment bricolés explorent différentes facettes du message qu’il véhicule et des contrastes qu’il transmet à travers ses pièces. Il prend la forme d’un groove kaléidoscopique sous fond de roller disco pour Café Speed – qui traite par ailleurs de l’aliénation au travail – et expose la grisaille du monde corporatif dans son plus récent Poll Line, filmé dans le parc industriel de Laval qui illustre parfaitement le propos.
De la chambre à la scène
Jordan Hébert compose l’essentiel de sa musique seul, grâce à sa formation de violon classique amorcée dès l’âge de 7 ans, pour bifurquer à la guitare et au chant à l’adolescence et terminer ses apprentissages de manière autodidacte. C’est toutefois entouré de proches collaborateurs (que l’on peut d’ailleurs apercevoir dans chacune de ses vidéos) qu’il envisage tous ses spectacles: Marc-André Brunelle aux claviers (qui collabore également avec Leif Vollebekk et Jean-Michel Blais), Christophe Charest-Latif à la basse (également dans Mort Rose), ainsi que son frère jumeau William à la batterie.
Les quatre comparses occupent comme espace de pratique la chambre à coucher de Jordan, incarnant ainsi l’essence même de la bedroom pop. «C’est une blague que je fais tout le temps. Le 6 novembre, on a fait un show secret pour nos amis et ma famille, dans ma chambre. C’était tellement le fun! Et j’ai fini ça en disant: «j’imagine que c’est ça qu’on appelle de la bedroom pop.»»
Pour passer de la chambre à la scène, les musiciens revisitent chacune des pistes autoproduites de JORDANN. Ils conservent l’essence de chaque mélodie, tout en distillant le groove déjà présent et en insufflant une dose de folie pour décupler le plaisir d’interpréter chaque morceau.
Le lancement de Connecting Visitors to Fun au Centre Phi le 20 février prochain sera l’occasion pour lui de transposer cet univers de bureau sur scène, dans une scénographie aux saveurs rétro qu’il a imaginée. Nombreux seront les artéfacts des années 1990 tels que faxs, vieilles imprimantes, moniteurs désuets et tapis de souris aux slogans motivateurs, pour la plupart dégotés lors de visites assidues chez Renaissance dans la dernière année et demie.
Après un passage au Minotaure de Gatineau puis le lancement officiel au Centre Phi, JORDANN et sa petite équipe espèrent se produire sur les scènes américaines d’ici la fin de l’année 2020. En attendant, il travaillera d’arrache-pied à faire parvenir ses nouvelles chansons aux oreilles du plus grand nombre.
JORDANN – Connecting Visitors to Fun
Sortie le 7 février
En spectacle au Centre Phi le 20 février, avec Christian Sean en première partie