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Paroles et musiques

 
Abd Al Malik

La journée du 1er août était assez particulière aux Francos. C'est que le Festival avait mis l'emphase sur la parole et ce « nouveau » courant que l'on nomme Slam. La thématique démarra à 17h sur la petite scène devant les portes du Complexe Desjardins avec le spectacle poético-musical de mon collègue Tristan Malavoy-Racine, responsable de la section littérature ici au Voir, qui est venu présenter au public des Francos son premier album Carnets d'apesanteur paru chez Audiogram il y a plusieurs mois. Je n'y étais malheureusement pas mais il semblait plutôt fier de sa perfo.
J'étais par contre au Théâtre Maisonneuve pour accueillir, comme 1500 autres personnes, la venue officielle du désormais célèbre slammeur Grand Corps Malade, dont le premier album Midi 20 a connu un succès considérable en France. Honnêtement, j'y allais un peu à reculons en me disant que j'allais m'endormir sur mon banc en écoutant un type pas très démonstratif me réciter des vers de la banlieue parisienne. Or il n'en fut rien. GCM sait non seulement jouer habilement avec les mots, le rythme et les sonorités, mais il excelle dans l'art de la chute, dans la rime surprise et surtout cette habileté à mélanger un langage plus littéraire à celui de la rue. Deux heures durant, l'estropié, qui ne peut pas vraiment bouger vu les séquelles d'une grave blessure, s'est fait drôle, tendre, sévère ou dur, seul sur scène ou quelques-fois accompagné discrètement d'un pianiste, d'un guitariste et d'un percussionniste (les musiciens ne se retrouvaient pas toujours tous sur scène au même moment). Bref, l'art du pacing. Un show bien monté, sans temps morts et un public conquis, attentif, accroché aux lèvres du slammeur pour être certain de ne manquer aucune de ses savoureuses rimes. Je crois qu'on peut parler d'un triomphe!
Triomphe aussi en ce qui concerne l'autre « slammeur », le très attendu Abd Al Malik. On dit slammeur mais en fait, Abd Al Malik est plutôt un chanteur-conteur, un type au charisme indéniable. Dès qu'il est monté sur scène vers minuit et demi mercredi dernier au Spectrum, j'ai su que ce serait un grand soir. Le gars en voulait, crinqué, débordant d'énergie. Entouré d'un groupe de musiciens aguerris, on parlerait plus de jazzmen même, le jeune français d'origine congolaise s'est lancé dans une version exaltante de son célébré premier album Gibraltar. Une agilité avec les mots et les gestes, une présence scénique captivante, une façon de bouger danser super cool et surtout aucun clichés hip-hop redondants ici. Abd Al Malik semblait en grande forme (peut-être est-il toujours aussi charismatique après tout) et la réaction plus qu'enthousiaste du public a confirmé que Abd Al Malik avait désormais sa place ici. D'ailleuurs, à la fin du concert vers 1h30, la salle était encore bien pleine, ce qui est très rare -en semaine d'autant plus- avec ces spectacles de fin de soirée au Spectrum. Une bonne idée d'avoir inversé l'ordre de passage sur scène et d'avoir fait débuter la soirée par les poètes-slammeurs de Slam Cité, permettant ainsi à ces derniers de se faire entendre par une foule beaucoup plus considérable (et attentive soulignons-le) car il y a fort à parier que la salle se serait dramatiquement vidé après la prestation de Abd Al Malik si celui-ci avait joué en premier.
Cette superbe soirée s'est terminée au Shag où le Bass Ma Boom Sound System de Vander et ses toasters, deejays, mc's (appelez ça comme vous voulez) ont chauffé la salle de leurs impros déjantées sur les beats reggae pesant de l'ex bassiste des Colocs. Cette thématique Slam des Francos fera marque. Je pense que le public a senti qu'il se passait quelque-chose de spécial. Le slam devrait connaitre de beaux jours à Montréal et on souhaite même voir cette expérience se répéter encore une fois aux Francos. Vu l'accueil réservé à Grand Corps Malade et Abd Al Malik, ça ne m'étonnerait pas qu'on revoit ces deux là chez-nous sous peu.