Ça devait arriver un jour. À force de chanter sur les zombies, le possédés, les damnés et les monstres, Lux Interior (Erick Lee Purkisher) est finalement allé les rejoindre en enfer. On présume que c’est enfer car même si il avait eu le choix entre le paradis et un séjour auprès de Satan, on imagine que le chanteur des Cramps a plutôt opté pour le sympathique gaillard à cornes…
62 ans, des années de rock, de sexe et de dope… voilà grosso modo comment a vécut ce chanteur aussi terrifiant que charismatique. Bien qu’il était moins fou qu’avant, qu’il semblait moins défoncé, Lux Interior a sans doute payé pour toutes ces années d’excès.
Les Cramps fut un groupe majeur même sil avait tendance à se répéter depuis plusieurs années. Un peu comme les Ramones avec qui il partageait une certaine vision caricaturale du rock, le band garage américain a vu le jour en 1973 en Californie lorsque Lux Interior a rencontré celle qui allait devenir sa femme et le suivre jusqu’au bout, la guitariste Poison Ivy (Kristy Wallace). Relocalisé brièvement à Akron, le couple s’est vite retrouvé à New York au milieu des années 70. Le groupe s’est rapidement démarqué du lot grâce à son look de zombies rockabilly, à ses performances déjantées et à sa musique sauvage et primale, croisement entre le punk, le surf, le garage 60’s et le rockab’. On pourrait sans hésiter les qualifier de pères du mouvement psychobilly.
Influencé par des artistes tels que Screamin’ Jay Hawkins, Link Wray, Hasil Adkins, The Phantom, les Trashmen, les Sonics et autres magnifiques bibittes de l’underground rock des années 50 et 60, la bande (les complices des belles années furent le batteur Nick Knox et le regretté et très inquiétant Bryan Gregory), qui avait entre autre la particularité de jouer à l’époque sans basse, ce qui rendait sa musique encore plus caverneuse, a ensuite inspiré un nombre impressionnant de groupes. On n’a qu’à penser à The Birthday Party, les Inca Babies, les Meteors et toute la scène psychobilly du début des années 80, les Fuzztones, les Fleshtones, les Wampas, Gun Club (les deux groupes ont partagé le même guitariste, Kid Congo) et tout récemment The Horrors et même les White Stripes pour n’en nommer que quelques uns.
Grand collectionneur et amateur d’une certaine esthétique ‘’rock’’ propre aux années 50 et 60 (séries b, bédés style Tales from the Crypt, monstres, martiens, zombies, kitsch…), Lux Interior et sa femme était un des couples les plus sexy et sulfureux de l’underground rock. Le chanteur s’est éteint mercredi des suites de problèmes cardiaques. Le couple était retourné depuis longtemps à Los Angeles (‘’fast cars, fast girls and fast drugs’’ racontait jadis dans une entrevue le batteur du combo Nick Knox pour justifier le déménagement du groupe de NY à LA) et donnait beaucoup moins de concert mais ne manquait jamais son traditionnel show de l’Halloween. Le dernier album des Cramps, How To Make A Monster, est paru en 2004 mais les meilleures galettes de la formation remontent à la fin des années 70-début 80. On se réécoutera Gravest Hits, Songs The Lord Taught Us et Psychedelic Jungle en se remémorant ce concert complètement dément au Club Soda (alors sur l’avenue du Parc) en 1983 ou 84. Un des shows les plus mémorables que j’ai eu la chance de voir durant les 30 dernières années.
Le décès de Lux Interior signe donc inévitablement la mort des Cramps. Rock In Peace.