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Petite Vallée m’a avalé


La 27e édition du Festival en Chanson de Petite-Vallée s'est terminée dimanche au petit matin mais c'est seulement aujourd'hui que j'en parle… Vieux motard que jamais comme dirait Paul Sarrasin… En fait, c'est que suivre ce festival à l'autre bout du Québec, niché dans un tout petit village de Gaspésie (ou deux pour être plus précis puisque la moitié des concerts se déroule aussi à Grande-Vallée, qui n'a de grand que le nom) et auquel assiste plus de 5000 personnes, c'est évidemment se coucher tard et se lever tôt, faire la fête et tenter de travailler malgré tout ça. Vous me direz que c'est la même chose avec tous les festivals et vous aurez presque raison puisque celui-ci à un petit côté familial ou communal que les autres événements, en général beaucoup plus gros, n'ont pas. Là-bas, après les concerts, tout le monde se retrouve au café du théâtre de la Vieille Forge et c'est reparti jusqu'à l'aube. Bon, l'aube en Gaspésie, c'est vers 3h30. À cette heure, il fait jour. Le soleil se couche d'un côté du fleuve (on peut parler de l'océan finalement) et se lève de l'autre. Si vous restez assis face au fleuve à bavarder de 21h à 3h, et bien vous avez droit au bonsoir et au bonjour du soleil (quand il fait soleil évidemment). Et si on ne se retrouve pas au théâtre de la Vieille Forge, c'est qu'on est tous assis sur le balcon d'une vieille maison -la plus vieille de Grande-Vallée, à rire et à chanter avec la gang de journalistes montréalais qui l'habitent.
En effet, depuis trois ans, la toujours dévouée Lise Raymond, relationniste de presse hors pairs, amène avec elle en van une bande de journalistes montréalais afin de couvrir ce sympathique festival. Cette année, nous étions neuf à s'y rendre, entassés dans la van pendant onze heure et dans cette vieille maison pendant quatre jours. Je vous passe les détails…
Résultat? J'ai chopé un sacré rhume au retour, d'où le délais pour vous causer de cette 27e édition du Festival en Chanson. Alors voilà: du 26 juin au 4 juillet, l'événement proposait encore une fois une formule "résidence-camp de vacance-séminaire-concert" bien à lui. Sauf que cette année, on ne parlait plus de "concours". Désormais, les 8 artistes "chansonneurs", comme on les appelle ici, n'ont plus à se mettre dans un esprit de compétition. Oui, il y a des prix qui sont décernés autant par le public que par un jury, mais ceux qui ont été retenus parmi les quelques 225 candidats, on parle d'une trentaine avec les Chansonneurs, les compositeurs, les paroliers et les artistes en résidence, travaillent tous dans le même sens, encadrés par des musiciens établis et reconnus, dont Pierre Flynn, Andréanne Alain, Michel Faubert, Marie-Claire Séguin et Edgar Bori.
Et vous savez quoi? L'élimination du volet concours faisait vraiment une grosse différence. Comme l'expliquaient les toujours forts sympathiques Alan Côté (directeur général et artistique du festival) et Nelson Minville (indispensable complice du festival), qu'il n'y ait plus de concours amène d'autres types d'artistes, plus vieux et plus matures et qui ne cherchent pas nécessairement à devenir des vedettes mais plutôt à développer leur potentiel artistique, ou tout simplement… chanter! Le Festival cherche des artistes qui sont là pour les bonnes raisons. Et cette année, il y en avait plus que d'habitude.
D'une édition à l'autre, le festival rend hommage à un Passeur, soit un artiste québécois qui a marqué son époque. Ce coup-ci, ce fut au tour de Paul Piché d'être célébré. Un appel au loin qui a été entendu puisque le chanteur avait pour lui un public entièrement conquis et attentif, un public d'amoureux de la Chanson, c'est à dire presque toute la région au complet. Parce que dans cette partie du Québec, c'est à la culture qu'on se nourrit. La légende veut même que ce soit des comédiens d'une troupe de théâtre qui échouèrent sur la rive et qui furent les premiers habitants de Petite et Grande-Vallée…
Bref, outre le Passeur Piché et ses amis Dan Boucher, Michel Rivard (le Passeur de 2008), Luce Dufault et bien d'autres qui sont venus lui rendre hommage, Zébulon, Catherine Durant, Skarazula, Geneviève Toupin, Red She Said, Thomas Hellman et le génial chanteur français Romain Didier (une plume fantastique!), étaient eux aussi de la programmation. Et tout ça était animé avec humour et simplicité  par Monique Giroux et Pierre Verville.
Chez les Chansonneurs, c'est l'imposant Bernard Adamus, dit Le révérend, qui s'est fait remarqué en remportant plusieurs prix. Bernard Adamus, c'est une dégaine atypique, un look particulier et des chansons qui vont avec le personnage. On parle donc de racines folk, blues, country, d'un style proche de celui de Fred Fortin et de Dany Placard par exemple. Surveillez son passage en concert extérieur aux prochaines Francos.Parmis les autres Chansonneurs qui se sont fait remarquer, mentionnons Stéphane Robitaille, qui n'est pas parent avec un Damien du même nom mais qui partage un peu le même univers. Son style légèrement maladroit, son ironie, son humour un brin cynique lui ont permis de remporter le Prix du public, ce qui en dit long. Signalons aussi l'intense Katia Rock, qui mélange textes francos et innus, ainsi que Isabelle A. Dupont, une fille àa la voix puissante, totalement habitée par sa musique.
Lors de la dernièere soirée, c'était la fête à Tibass, ou Jean-Sébastien Fournier pour le facteur du coin, multi-instrumentiste, arrangeur et chef d'orchestre qui a prêté son immense talent à nombre de chanteurs québécois. Ainsi, pour ses 25 ans de bons et loyaux services, plusieurs artistes sont venus le saluer, lui rendre hommage, dont sa soeur Marie-Pierre Fournier/Arthur. Un chouette concert, sympa, émouvant, où la famille au complet était aussi conviée sur scène. En voyant tout cela, on ne peut qu'être émerveillé par le bassin de talent dans cette région. Ici, pratiquement tout le monde joue de la musique. Remarquez, il n'y a pas grand chose d'autre à faire par là en dehors des activités de plein air et boire. Et de tous ces gens, certains sont devenus populaires, comme Tibass et sa soeur, Nelson Minville et Manuel Brault.
Ainsi, le festival de Petie-Vallée est quasiment une nécéssité pour ce coin de pays. Au fil des années, l'événement est devenu un incontournable et un chouchou des médias. Un festival destiné à la chanson québécoise, et française jusqu'à un certain point. On pourrait critiquer le manque d'ouverture à différents courants musicaux contemporains, mais ce serait passer à côté de l'essentiel, soit la réelle passion pour la Musique qui anime cette région sauvage et isolée.