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18e Francofolies de Spa: l’âge légal

 

Les 18e Francos de Spa ont démarré mercredi
dernier sous un ciel maussade. Alors qu'on crevait de chaud à Montréal, la
Belgique vivait son automne en plein mois de juillet. C'est ce temps gris,
frais et pluvieux qui a perduré tout le long du festival (tout le mois de
juillet en fait!), ce qui n'a pas empêché 185 000 personnes de se déplacer pour
assister aux quelques 150 spectacles présentés entre le 20 et le 24 juillet. Le
deuxième meilleur score depuis la création du festival. N'aurait été du mauvais
temps, les Francos auraient sans doute connu une édition record. Reste que,
comme l'affirmait le directeur du festival Charles Gardier en conférence de
presse dimanche dernier, le but n'est pas d'augmenter l'achalandage mais bien
d'offrir aux festivaliers un site agréable tout en étant le plus éco-sensible
possible.

 

Les Francofolies de Spa, c'est un événement
beaucoup plus démocratique que le festival de Dour par exemple. Spa, c'est pour
toute la famille. C'est aussi tout un contraste par rapport à l'exubérance de
Dour. Les artistes se retrouvent dans un contexte plus propice aux échanges, un
milieu à échelle humaine. Les Francos de Spa ne sont pas non plus réservées
qu'au artistes s'exprimant en français. On a fait remarquer au cours des années
précédentes que la programmation du festival contenait  beaucoup de groupes chantants en
anglais, cette année ne différait pas des précédentes et selon Marc Radelet, assisant à la
programmation, le festival ne s'en formalise pas. Son objectif est de donner
une vitrine aux artistes belges, wallons surtout, mais aussi flammands (des 180
groupes présents, 4 étaient flammands) et particulièrement en ces temps
d'incertitude politique que vit le royaume. Donc aux Francos de Spa, on entend
et entendra toujours beaucoup chanter en anglais, qu'on se le dise.

 

Folle Suisse

Cette année, quelques innovations. D'abord Le
Jardin des Francos
, un joli lieu situé dans les jardins d'une belle grande
demeure ancienne, était consacré aux DJ, une nouveauté 100% électro qui devrait
certainement revenir l'année prochaine. Cette 18e édition dévoilait aussi
encore un peu plus les talents Suisses avec le volet Swiss' Folies. Les helvètes ont
organisés une belle vitrine à l'entrée de la Villa Royale, la demeure abritant
justement les Jardin électro. Thierry Romanens, Noga, Zedrus et Charlou Nada
ont donc bénéficié d'un espace juste pour eux.

 

Quebecofolies

Les québécois n'étaient pas en reste. Ils étaient
fort nombreux cette année grâce à ce Québécofolies, une l'initiative de
Charles et Pirnay et Patricia Van de Weghe de Virago Productions, deux spadois
vivant à Montréal et depuis longtemps l'antenne du festival au Québec. Donc les
artistes québécois et les journalistes et professionnels de l'industrie du
disque présents aux Francos de Spa ont assisté à un déjeuner-conférence de
presse qui a permit de mettre l'accent les musiciens présents et le talent de
la province. Pour le brunch "à la québécoise" qui nous a été servi, disons
juste que ce n'est pas ça qui donnera envie aux belges de venir bruncher
chez-nous…

 

 

Donc étaient présents Francis d'Octobre et son groupe qui
étaient programmés à tous les jours dans le cadre du volet Bars en folies; Alex
Nevsky
,
Damien Robitaille qui, reçu timidement en début de concert, a réussi à
faire lever la petite foule présente sous le Dôme Paribas vendredi dernier; Radio
Radio
,
qui a séduit le public des Francos malgré l'incompréhension quasi générale; Marie-Pierre
Arthur

réunie avec Sacha Toorop par Albin de la Simone dans le cadre du plateau 3 Francos;
les Cowboys Fringants toujours aussi fringants; Misteur Valaire (en photo) qui, en clôture et
malgré le froid qui vous transperçait, a réussi le pari de faire danser pas mal
tout le monde et finalement Jérôme Minière, lauréat cette année du prix Rapsat-Lelièvre (en photo) pour son
excellent album Le vrai le Faux. Attribué une année à un artiste québécois qui
le reçoit à Spa et l'année suivante à un artiste belge qui vient le chercher au
Coups de coeur francophone, le prix vise à "encourager le développement et la
promotion de la langue française, à stimuler la production et la diffusion de
disques francophones aux communautés du québec et de Wallonie-Bruxelles et à
favoriser les échanges entre les deux communautés". Cependant, quelle drôle
d'idée de le programmer sur la scène Carrefour des talents, à l'autre bout du
site et où les gens vont peu. Ce n'est pas du tout rendre service à l'artiste
sur qui on vient de mettre l'emphase. Arianne Moffat, lauréate du prix en 2009,
avait joué sur la scène du Dôme Paribas, un endroit beaucoup plus approprié.

 

 

Au jardin

Cette année encore, plusieurs des délégués et journalistes se sont
retrouvés au Jardin de ma soeur. Ce jardin, situé à l'arrière d'une superbe
villa spadoise, propose un showcase d'artistes belges qui viennent s'y prodire
en formule semi acoustique et en toute simplicité. Cette fois-ci nous avons eu
le plaisir de découvrir Noah Moon, David Bartholomé et Jali. Noah Moon est une
jeune chanteuse folk qui s'inscrit dans la lignée de plein d'autres petites
chanteuses folk. S'accompagne à la guitare acoustique et se sample elle même la
voix et la guitare. Malgré une jolie voix, elle ne se démarque aucunement de ce
que nous avons maintes fois entendus dans un registre similaire, d'autant plus
qu'elle chante uniquement en anglais. Pour Jali, c'est différent. Proche de
Tété, le chanteur propose des textes bien tournés… en français! Il ne manque ni
d'humour, ni d'assurance et encore moins de charisme. David Bartholomé n'est
pas un débutant. Il écume les salles de concerts des USA et d'Europe depuis
plus de 20 ans. Le leader de Sharko dont la voix ressemble étrangement à celle
de Damien Rice a présenté trois morceaux peu convaincants en anglais en
compagnie d'un musicien aux commandes d'une petite batterie, d'un piano jouet
ainsi que d'une marionnette.

 

Il y avait foule

Encore beaucoup de choix cette année au programme! Arnaud
Fleurent-Didier, Bertrand Belin, les deux folkeuses de Brigitte en remplacement
de Richard Gotainer, Cali, Daniel Hélin, De Palmas, Florent Marchet, Grand
Corps Malade, Hindi Zara, Keren Ann, le phénomène Les Gauff', Louis Bertignac,
Louis Chedid, Luke, Mademoiselle K, Martin Solveigh en DJ set, Medi, Miam
Monster Miam, Miss Kittin, Moriarty, Pony Pony Run Run, Raphael, Suarez qui
célébrait son récent disque d'or et Yael Naim pour ne nommer que les plus
connus. De tous ceux là, c'est Stromae qui a causé la plus grande
commotion. Une ovation monstre. Du jamais vu selon le grand vizir des Francos
Charles Gardier. Pas le même accueil pour Ete 67 dont on attendait beaucoup. Le
groupe liégeois se faisait une fête entre copains, alternant entre ses chansons
et reprenant avec invites -Bonnie King of Nowhere, Sammy Decoster, David
Bartholomé…- et souvent maladroitement (l'anglais ne sied pas au sextuor,
l'accent est affreux ) des standards folk, rock, country de Dylan, Cash ou le Come
Together

des Beatles qu'ils ont mélangé habilement avec Andy des Rita Mitsouko.
Été 67 est sans doute un des groupes les plus intéressants et originaux de
Wallonie mais pour les avoir vu plusieurs fois on a l'impression que la
formation plafonne. Un gros single pourrait éventuellement lui ouvrir toutes
grandes les portes du marché français. Au Quebec par contre, ça risque bien de
demeurer un succès d'estime malgré les critiques positives.

 

Révélations 2001

Au rayon découvertes, la liste est aussi longue. De ceux que nous
avons suivit, quelques-uns ont retenu notre attention dont Cascadeur (en photo tout en haut), ma surprise de ces
18e Francos! Seul sur scène, entouré de ses machines, vêtu d'une salopette blanche,
le musicien de Metz se cache derrière un masque de lutteur mexicain qui donne
un côté décalé à sa musique. Cascadeur démontre une belle aisance avec le
public, de l'humour et une jolie voix. Il chante en anglais des morceaux
planants et mélancoliques proche de Air ou certains trucs de Sebastien Tellier.
Bref, un bel univers, original et bien mis en scène.

Autre curiosité, les Missils Airlines de France. Malgré son nom à consonnance anglo-saxonne, le groupe,
mené par la dynamique chanteuse Miss Flo, s'exprime en français et donne dans
un style très teinté d'influences rock franco des années 70 et 80, on pense à
Téléphone, Trust, Bijou, Starshooter et autres du même acabit. 

Daan est l'ancien leader de la formation flammande Dead Man
Ray. Grand gaillard en complet, au look vaguement proche de Brian Ferry, il
revisite ses chansons en formule semi-acoustique. Accompagné d'un
violoncelliste et d'une
percussionniste-batteuse-choriste-xylophoniste-trompettiste-etc., il propose un
univers intimiste, un peu lounge cabaret, un peu a la Rodolphe Burger, Yann
Tiersen, Johnny Cash et autres du même style. Le hic c'est qu'il chante en
anglais avec un accent terrible de sorte qu'on ne comprend rien de ce qu'il
raconte.

Bertrand Belin en est un autre qui possède un bel univers, un autre
qui lui aussi peut rappeler Rodolphe Burger et même Bashung. Complètement à
part des autres qu'on range dans le tiroir "nouvelle chanson française".

Mentionnons aussi le vétéran Jacques Duvall, tête pensante du
projet Miam Monster Miam (aussi de la programmation) et auteur entre autres du
hit Banana Split de Lio et de plusieurs chansons pour Jane Birkin, Alain
Chamfort, Marc Lavoine…; Absynthe Minded, groupe flammand qui propose un
univers aux couleurs jazz, folk, indie-rock et swing manouche; le français Arnaud
Fleurant-Didier
qui a séduit pas mal tout le monde avec ses chansons émouvantes et
pleines de poésie; le décalé DJ Didjé; le duo électro PlayBoy's
Bend

et Sinus George qui a gagné le prix Francouvertes dans la cadre des
Franc'Off et qu'on retrouvera donc à Montréal bientôt au Coup de coeur
francophone. Tiens, parlant du concours Franc'Off, c'est la petite
liégeoise Labiur (en photo) qui a remporté les grands honneurs avec son électro
fluo à la TTC-Yelle-MC La Sauce et cie qui a rafflé la première place. On
devrait la voir elle aussi sous peu à Montréal, sans doute aux Francos, ainsi
qu'à Spa l'année prochaine. 

 

Donc, malgré l'automne précoce en Belgique, le temps maussade et
frisquet n'a pas refroidi les festivaliers ni les artistes. La musique et la
fête avant tout chose… et un peu (pas mal) de Maitrank ou de bières pour
réchauffer tout le monde! On espère tout de même queleques degrés de plus et du
soleil l'année prochaine!