Le label électro français Ed Banger vient célébrer bruyamment ses 10 ans à Montréal en compagnie de Justice, Breakbot et Busy P! Entrevue intégrale en questions-réponses avec le head honcho Pedro “Busy P” Winter.
Qu’est-ce qui t’as motivé à créer cette structure?
«Mon inspiration première ce sont les Beastie Boys. Un groupe qui a su rester authentique tout en touchant un large public. J’espère que c’est ce qu’on a réussi à faire avec Ed Banger. Ça me fait bizarre de dire ça, mais je n’avais pas d’ambition en démarrant le label. Je ne me suis jamais vraiment mis d’objectif , je ne me suis pas dit “dans 10 ans est-ce que j’aurai fait le tour du monde, est-ce que j’aurai des artistes qui auront réussi à faire des cartons”… Je n’ai jamais pensé à ça. J’ai surtout pensé à comment m’amuser tout en faisant avancer la musique française, rester soi-même et naviguer entre être un label underground et un label qui a envie d’aller au devant de la scène. En fait Ed Banger, c’est une suite de rencontre. J’ai d’abord rencontré Daft Punk que j’ai géré durant 12 ans. Ils avaient chacun leur propre petit label et je me disais bien qu’un jour je devrais avoir le mien. Ensuite j’ai rencontré des artistes comme Justice, Mr Oizo et DJ Mehdi qui m’ont donné envie de monter ma propre structure, qui m’ont donné envie de faire un bout de chemin avec eux et voilà, ça a été la plus belle de mes aventures».
Alor,s il vient d’où ce nom Ed Banger?
«Il vient carrément du heavy métal! Dans les années 1990 j’étais fan de Pantera, Metallica, Mötley Crüe, Rush… J’ai toujours été fasciné par l’imagerie et les codes du heavy métal et du hard rock. J’adorais une émission sur MTV qui s’appellait Headbanger’s Ball. J’aimais ce mot «headbanger», “la personne qui remue sa tête”. C’est approprié au heavy métal, mais ça peu très bien s’appliquer au hip-hop par exemple. Quand on écoute du rap ou de la musique électronique, on remue la tête aussi. Ce nom est en fin de compte approrié à tous les genres de musique. Donc quand on a voulu monter un label, on cherchait à trouver un nom et DJ Mehdi est arrivé avec cette autre façon d’écrire «headbanger», qui devient en quelque sorte le nom d’un personnage qui pourrait être Édouard Banger. Ce qui est drôle, c’est que les américains pensent que c’est comme ça qu’on écrit «headbanger» en français. C’est donc la notion de mouvement qui m’intéressait avec ce nom».
Les bons coups du label?
«Évidemment, il y a la rencontre déterminante avec Justice. C’est un moment particulier. Des rencontres comme j’ai avec eux ou Daft Punk, il n’y en a pas 36 dans une vie. Ce sont des rencontres avec des artistes doués qui ont une vision artistique précise. Ces gens ont besoin d’être entouré par contre. Dans un aspect plus personnel, il y a la rencontre avec DJ Mehdi en 1998. On n’a pas cessé de travailler ensemble jusqu’à son malheureux accident en 2011. J’ai collaboré avec Mehdi pendant 13 ans. Avec Justice et Daft Punk, ce sont les trois grandes rencontres musicales de ma vie».
Y a-t-il un son Ed Banger?
«Certaines personnes me disent qu’il y a un son Ed Banger, mais je serais incapable de te dire quel son le label a car la musique de Krazy Baldhead n’a rien à voir avec celle de Feadz, comme la musique de Mr Flash n’a rien à voir avec la musique de Sebastian et la musique de DJ Mehdi n’a rien à voir avec celle de Justice. Leur seul point en commun, c’est d’avoir tous sorti des disques sur Ed Banger. Donc est-ce que le son Ed Banger n’est pas en fait une multitude de sons?»
Que recherches-tu chez un artiste pour l’admettre chez Ed Banger?
«Je ne recherche rien et c’est peut-être ça une des recettes de notre succès. Je ne recherche par un artiste qui fait de la musique de club ou de la musique intelligente, je cherche les coups de coeur. Et en général ce sont les artistes qui viennent à nous. Ensuite il s’agit de se mettre à leur disposition et non l’inverse. On les suit là où ils veulent nous amener. Chaque artiste est une aventure différente et c’est un vrai bonheur.»
Vous célebrez les 10 ans du label. 10 concerts dans 10 villes et Montréal fait partie des heureuses élues. Pourquoi?
«Y’a une raison bien personnelle derrière ce choix, c’est que j’adore Montréal et le Canada. J’ai passé mon adolescence au Canada! Mon père habitait à Gatineau avec mon grand frère et je venais toujours aux vacances de Noël et d’été. J’ai commencé le skate-board au Canada, découvert Run DMC à Québec, j’ai découvert The Cure à Ottawa, Rush… Mon grand frère m’a fait découvrir tout un tas de musiques. Donc à chaque fois qu’on y retourne avec Ed Banger, ou avant avec Daft Punk, on passe toujours de bons moments. C’est un rapport charnel, amical, chaleureux. J’y étais même l’année dernière pendant les vacances d’hiver!»
Le party Ed Banger
«J’ai préparé un set particulier pour les 10 ans que j’appelle le Busy P Ed Banger Megamix. Un set d’une heure où je ne vais passer que des titres du label. Des hits bien sur mais aussi des trucs moins connus. Derrière moi il y aura un écran de six mètres de haut sur lequel on projette des images de notre directeur artistique So Me et plein d’autres choses. Breakbot lui vient en concert avec son bassiste, son guitariste, son chanteur et lui au clavier, un vrai show funky! Quand à Justice, ils vont donner un rare DJ set car ils travaillent en ce moment sur d’autres projets. Un DJ set endiablé comme eux seuls savent le faire pour clôturer la soirée quand tout le monde est fou, quand tout le monde est chaud».
Où vois-tu Ed Banger dans 10 ans?
«Bonne question! Comme je l’ai dit, je n’aime pas trop prévoir. Quand tu vois que Warp a fêté ses 20 ans l’année dernière, que Kompakt célèbre ses 20 ans cette année, je me dis qu’il y a de l’espoir! On sait que ce n’est pas facile pour les labels. Mo’ Wax, un label qui m’a beaucoup inspiré, n’a pas tenu très longtemps. Je sais pas pour DFA qui est rendu à 10 ans aussi… Y’a des moments où on parlera moins de nous, on ne peut pas être tout le temps le label de l’année et je suis prêt à vivre ça, à l’accepter. Je souhaite que Ed Banger soit un label assez solide pour continuer à développer ses artistes. Parce qu’on n’a pas finit là! Les gens connaissent Breakbot, DJ Mehdi, Justice, Sebastian et Mr Oizo mais y’a Mr Flash, Mickey Moonlight, Feadz, Krazy Baldhead… et moi aussi de mon côté j’ai envie de faire encore plus de musique, de la radio, un magazine… Plein de projets et la route est encore longue!»
Un costume pour l’Halloween?
«On cherche un déguisement pour le 31 octobre chez vous et on avait songé à se déguiser en police montée. Mais des amis à Montréal nous ont déconseillé. Je crois qu’ils saisissent pas l’ironie. Alors on sait pas encore en quoi on va se déguiser!».
Le 31 octobre au Métropolis
Avec Busy P, Breakbot et Justice
Séance de dédicace du livre Travail, Famille, Party par son auteur So Me de 17h à 20h à la boutique Off The Hook le jour même.