Une affiche diversifiée -faisant toujours la part belle aux artistes locaux- et capable de plaire à un peu tous les amateurs de musique électronique, du gros son, un jeu d’éclairage et un visuel impressionnant, un prix d’entrée sympa, une organisation efficace, de la neige et un public toujours aussi fou et coloré, voilà ce qui fait année après année le succès du Igloofest. Et c’est sans doute pourquoi une édition après l’autre, l’événement bat des records. Cette année, entre le 16 janvier et le 8 février, c’est près de 86 000 fêtards qui se sont pressés sur le site du Igloofest dans le Vieux port, soit 13 000 de plus qu’en 2013! Et ce n’est pas le froid ni le frett ou la slutch qui ont freiné les ardeurs des festivaliers.
Pour cette huitième édition, le Igloofest a fait peau neuve, ou plutôt changé son habit de skidoo, en modifiant l’aspect du site et surtout en dévoilant une deuxième scène beaucoup plus adaptée à la demande, c’est à dire capable d’accueillir plus de monde tout en préservant cette atmosphère d’intimité. Du coup, comme diraient les Français (qui sont toujours très nombreux à venir Igloofester), on a l’impression de se retrouver dans un club à ciel ouvert, machine à boucane incluse. Si les DJ sont peut-être un peu trop à l’écart, le son est parfait, l’endroit étant protégé des vibrations de la scène principale par un mur de containers blanc. Il faut quelques fois s’armer de patience avant de pouvoir y entrer tellement l’endroit ne dérougit pas mais voire plus grand enlèverait sans doute ce sentiment d’intimité. Bien sûr, entre les deux scènes, il y a une foule d’activité pour égayer l’ambiance qui varient plus ou moins d’une édition à l’autre. Autre petit changement que plusieurs n’auront pas remarqué, la salle vip, autrefois complètement à l’écart, est désormais collée à la scène principale.
Que du bon, c’est d’ailleurs le constat que presque tout le monde fait d’une édition à l’autre. Il y aura toujours place à l’amélioration et c’est ce que l’organisation s’emploie à faire. On aimerait bien que ça se termine plus tard, que ça s’échelonne sur plus que quatre semaines, un peu comme le Piknic mais ça c’est se plaindre le ventre plein. Ce qui ne serait pas bête ceci dit, ce serait de mettre davantage de l’avant le nom des artistes présents, un peu partout sur le site et pas seulement ici et là histoire que presque tout le monde sur place sache qui joue et qu’il n’oublie pas son nom. Car oui, en demandant à quelques personnes sur le site le nom des artistes présents ce soir là, j’ai été étonné de réaliser que plusieurs n’en avaient aucune idée ou se mélangeaient dans le noms et/ou les horaires. Just sayin’
L’igloofest s’est terminé dans l’euphorie avec le set complètement psyché d’Adam Beyer le 8 février et depuis, l’hiver est devenu terriblement looooong.
Autrefois, je travaillai dans un bar. Je fus portier, préposé au vestiaire et plus tard, je fus promu waiter et DJ. Comme waiter, j’étais médiocre, un vieux défaut, celui de déficit d’attention à l’école et aussi une allergie profonde à la géométrie spatiale des lieux fermés. Je ne retenais pas « les commandes » et me promenais à tort et à travers dans le bar avec les plateaux de boissons diverses cherchant leurs destinataires introuvables.
Comme DJ, par contre, j’étais très bon. La musique est le seul des arts classiques qui soit invisible à l’œil nu. Cela me venait d’une oreille musicale développée très jeune en entendant ma mère chanter et la voyant giguer partout dans la maison, surtout quand elle cuisinait.
La job de DJ, essentiellement, consiste à faire danser des gens sur « un stage » dans un espace ouvert ou fermé, en y mélangeant styles et toutes sortes de musiques. Parfois, nous étions en 1972, je finissais mes soirées avec un Nocturne de Chopin, pour calmer les gens avant le last call et la sortie, après une soirée de Offenback, Charlebois, Hendrix, James Brown, etc…
J’ai certainement empêché ainsi des bagarres générales à la sortie du bar ou je travaillais. Ce fut ma plus belle job à vie.
L’Igloofest, pour moi, vous l’avez peut-être deviné en me lisant, c’est avant toute chose un devoir de mémoire. Mémoire d’une époque, celle de la Révolution Tranquille( qui va peut-être « r’soudre », comme disait ma mère, en moins tranquille), mémoire d’un monde du travail sans salaire minimum mais où j’avais un patron en or, qui m’appréciait même si ses affinités musicales étaient aux antipodes des miennes. Mémoire cumulative et critique aussi devant toutes les musiques représentatives qui se sont imposées chez quatre générations de jeunes gens ici comme ailleurs, en 50 ans.
Mais il y a plus. Je me sens un peu comme un prospecteur à l’Igloofest. Une sorte de sociologue sur le tard en apprentissage face aux jeunes gens venus de partout sur la planète pour y fêter l’hiver québécois.
On confond souvent musique techno avec le disco. Ça n’a rien à voir, aussitôt qu’on se donne la peine d’écouter attentivement cette musique. Le disco est monotone, univoque et sans imagination. Le techno est un assemblage hétéroclite de sons, de rythmes issus de tous les genres musicaux, avec un beat de fond à danser semblable aux battements cardiaques.
Je vois qu’il est facile de danser sur cette musique qui bat au rythme de votre cœur, légèrement et sans agressivité mais surtout je réalise jusqu’à quel point ses mélanges et associations de rythmes plaisent tellement aux jeunes issus de la mondialisation. Voilà pour moi la grande révélation de l’Igloofest: une musique, un lieu culturel important, symbole du mélange des peuples et des cultures.
Et autre chose aussi. Je constate la présence de plus en plus nombreuse de fêtards moins jeunes. Des parents , souvent, qui viennent voir si leurs enfants dansent comme eux, mieux, et avec qui…
Et je danse, bien sûr, comme je le faisais comme DJ autrefois, quand j’allais rejoindre les autres sur le plancher de danse en leur mettant une toune de 10 minutes de CCR…
Je suis toujours agréablement surpris quand des jeunes gens viennent spontanément me voir, qui ne me connaissent ni d’Ève ni d’Adam, heureux de me voir là, moi, « un vieux »… »respect », comme ils me disent, de vive voix ou dans leur regard.
Enfin je remarque que cette jeunesse ne ressemble en rien à l’image qu’on aime nous montrer d’elle, je dirais pas qu’elle est absente des débats de société, comme l’a écrit un journal très, très, très vieux, dernièrement.
Je dirais plutôt qu’elle est ailleurs, en études, voyages et jobs en tous genres, un peu en marge, comme nous l’étions , nous les boomers en 1960, vers la fin de la Grande Noirceur.
Les jeunes dansent à l’Igloofest, au Piknik Electronik, sa version estivale, et je serais pas du tout surpris qu’un de ces quatre, après une grande soirée dansée au clair de lune, mais en l’absence de Nocturne pour la faire se calmer, s’endormir, elle s’en aille dehors toute pour nous en recommencer une autre belle bagarre et foutre le bordel dans notre beau Québec où nos DJ au pouvoir à Québec ne carburent qu’au pur laine en ligne et au menuet français…