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Toxicomane: Nous ne sommes pas des héros

C’est fait.  Je suis sorti de la garde-robe.  J’ai ouvert la porte du placard.  Je suis toxicomane.  Je vais être honnête avec vous, ce fût difficile de se mettre à nu de cette façon.  Pourquoi?  Parce que malgré tout, nous gardons notre fierté et admettre qu’on a plié les genoux, ça égratigne l’orgueil.  Surtout quand les gens nous croient forts et sans faiblesses.  Ceci dit, c’est le meilleur « move » que j’ai fait depuis longtemps.  Pour la simple et bonne raison que j’ai décidé, pour une fois, de ne plus me cacher et d’admettre.  Ce fût difficile mais tellement libérateur.

Depuis, j’ai reçu bon nombre de messages de gens en privé ou sur les médias sociaux.  Tu es courageux, tu es un héros, tu mérites notre respect.  Ce genre de formule qui font du bien dans les circonstances mais soyons honnête, la vérité nous oblige à prendre ces messages avec des pincettes.  Pourquoi?  Parce que nous ne sommes pas des héros.  Tout simplement.

L’alcoolisme et la toxicomanie sont des maladies et la façon de s’en sortir sont similaires à n’importe quelle maladie : il faut vouloir s’en sortir.  C’est là ou le bat blesse.  Il faut vouloir.  Au début, rien ne nous pousse à vouloir s’en sortir.  Car la substance de choix nous aide à passer au travers d’une épreuve, une situation, un deuil ou une séparation.  Elle nous aide à colmater des blessures vives, des frustrations intemporelles ou tout simplement le mal de vivre.  Pourtant, ce n’est qu’une illusion.  C’est simplement geler le moment présent en reportant le lendemain le  plus longtemps possible.  Ce lendemain où l’on doit se prendre en main.

Nous ne sommes pas des héros, nous sommes des gens malades qui perdent le sens de la mesure, qui blessent nos proches et qui seraient prêts à faire quoi que ce soit pour maintenir cet état d’euphorie qui nous permet de fuir le lendemain.  Voler, mentir, manipuler.  Ce sont les armes des toxicomanes.  Ces armes à double tranchant qui blesse à la fois le toxicomane et ses proches.  La seule façon de briser ce cercle passablement vicieux, c’est d’avoir de l’aide.  L’aide pour moi, ce fût Mélaric.

Sans l’aide de deux amis précieux, jamais j’aurais pu m’en sortir.  Sans Mélaric, je serais toujours écrasé sur mon divan à vivre d’illusions et de bonheur éphémère.  C’est un peu ça le choix que l’on doit faire.  Ce choix de se sauver et non d’utiliser des substances pour fuir.  C’est un choix difficile mais il faut avoir ce choix. Les véritables héros ne sont pas les toxicomanes.  Ce sont ceux qui restent, qui nous aident et qui nous aiment pour que l’on devienne des citoyens à part entière.

Ce choix ne s’offre plus depuis quelques jours car le gouvernement Couillard a décidé de couper dans la misère.  Il a décidé de couper dans l’espoir.  Quand j’ai vu des gens qui étaient dans ma situation il y a quelques mois pleurer devant les caméras pour continuer leur chemin dans la thérapie, je me suis effondré.  Je ne pouvais croire que ces hommes ne pourraient avoir la chance que moi j’ai eu.  C’est d’une tristesse sans nom que le Québec abandonne ses enfants de cette façon.  J’ai encore espoir que c’est une erreur qui n’a pas été analysé de façon rigoureuse et que le gouvernement revienne sur sa décision.  Il y a assez de médecins dans ce gouvernement pour comprendre l’importance d’abandonner cette décision.  J’en suis convaincu.

Il est temps que l’on cesse les préjugés.  J’ai trop rencontré de gens lors de mon séjour chez Mélaric qui ont été sauvé grâce au travail colossal des intervenants de l’établissement pour baisser les bras.  Il faut entendre raison : on sauvera davantage de gens en les aidant à devenir de meilleurs citoyens qu’en les condamnant à devenir des prisonniers.  C’est une question de bon sens au niveau social mais aussi au niveau financier.  Le manque à gagner de Mélaric équivaut à la prise en charge de deux prisonniers pendant un an.  Combien sont retournés en prison dans la dernière semaine?

Je suis prêt à me battre pour ces gens, je suis prêt à admettre mes faiblesses, admettre que j’ai plié les genoux.  Je suis prêt à admettre que je ne suis pas à l’abri d’une rechute, que j’ai peur de l’avenir et de ma tentation.  Je suis prêt car on doit aider les prochains.  Ceux qui, comme moi, ont eu besoin d’aide et qui n’auront pas eu la chance que j’ai eu  la chance d’avoir: avoir le soutien des intervenants de Mélaric.

On aura besoin de vous.  Oui vous.  Vous connaissez quelqu’un qui a vécu ce genre de détresse?  Ça vous concerne aussi.  Vous embarquez?

#sauvonsMelaric