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Bribes de Britt

Le Théâtre Debout (Fanny Britt, Geoffrey Gaquère et Johanne Haberlin) fait cette semaine son entrée sur la scène montréalaise avec une première production, Hôtel Pacifique. Ils sont trentenaires, ont déjà une feuille de route bien garnie et voulaient à tout prix se doter d’une structure de création qui leur serait propre. Crier leur colère aussi. Et peut-être, au passage, développer une véritable esthétique. Vous pouvez lire mon article de cette semaine à propos d’Hotel Pacifique (ici), mais pour tous les curieux qui voudraient aller plus loin, je vous offre en vrac quelques bribes supplémentaires du passionnant entretien que Fanny Britt m’a accordée la semaine dernière.

VOIR: Hotel Pacifique nous emmène dans les chambres de trois couples à la dérive, qui se brisent parce qu’ils ne savent pas s’aimer pour ce qu’ils sont réellement.
FANNY : "Oui, c’est bien vrai. Le terrible constat que je ne cesse de me répéter, c’est qu’au fond, l’autre est notre chimère à nous. C’est ça la tragédie du couple, on est toujours seul, à essayer de changer l’autre. C’est terrible." (NDLR: De son propre aveu, Fanny Britt est une angoissée pessimiste. Certes, mais très lucide.)

Même si les histoires de couple de tes personnages ne fonctionnent pas, il me semble qu'ils sont quand même engagés dans une réelle quête d’absolu, qu'ils ont soif de grandeur et d’amour passionnel. Non ?
"Max et Mia, le plus jeune couple, vivent certainement une quête d’absolu, mais toutes leurs références sont dans le cinéma, la télé, la pub, la télé-réalité. Leur perception de la réalité est complètement faussée; leurs grands rêves sont dictés par le petit écran. Mia a une prise de conscience de ça à un moment, elle est plus lucide que Max, qui est un pur produit de son époque. Il ne connaît pas d’autres mots que ceux de ses référents médiatiques."

Le texte fonctionne par interpénétration, les trois histoires se mélangent comme par vagues successives. Comment travailles-tu cette forme ?

"Je voulais permettre à Geoffrey (Gaquère, le metteur en scène) de jouer avec le texte, les scènes sont légèrement interchangeables. Y’a effectivement une structure un peu musicale dans cette pièce, une sorte de mouvement, qui va et vient et qui permet différentes orchestrations. La vague touche les trois couples et les immerge en même temps, et les trois histoires finissent par s’unir, par former un alliage."

Tu as fait énormément de traductions ces dernières années, pour La Manufacture et l’Opsis entre autres. Puisque tu es l’auteure attitrée de cette nouvelle compagnie, je suppose que tu te lances maintenant dans une période d’écriture plus soutenue ?
"C’est vrai que les traductions m’ont beaucoup occupé et ont d’une certaine façon bloqué mon élan créatif. La compagnie me force à redevenir pleinement auteure pour un temps, mais j’ai bien averti mes partenaires que je ne suis pas une machine à produire des textes, je trouve ça très angoissant d’être obligé d’écrire dans un court laps de temps. Je pense aussi que c’est une bonne chose d’espacer l’écriture. Il faut du temps pour prendre du recul, pour que tout ça ait un souffle, pour que ça soit bon. Dans un monde idéal j’écrirais une pièce aux quatre ans, mais elles seraient vraiment excellentes…"

Pour plus de détails, consultez le site web du Théâtre d’Aujourd’hui