Ma réponse à Olivier Choinière (publiée sur ce blogue il y a quelque jours), à propos du manque de rigueur de la critique de théâtre à Montréal, n'a pas encore eu l'effet escompté. J'aurais souhaité que s'installe un dialogue. Pour l'instant, rien.
Mais j'ai envie de continuer à parler de ce sujet pour le moins passionnant.
Je ne sais pas si vous avez lu, dans le journal de Montréal, la critique de Woyzeck, le spectacle mis en scène par Brigitte Haentjens à l'Usine C. Vous la trouverez ici – ça vaut le coup d'aller y jeter un œil. Je sais que la dénonciation de Choinière ne visait pas ce genre de pratique pour le moins inhabituelle. Le journaliste Benoît Aubin n'est visiblement pas un critique de théâtre et son texte ne peut pas être considéré comme une critique. Ceci étant dit, il a tout de même publié ce texte dans l'espace généralement réservé aux critiques de théâtre. Le journal de Montréal a beau prétexter le lock out pour justifier ses dérives actuelles, il n'en demeure pas moins qu'un journal soi-disant sérieux ne peut pas manquer à ce point de sens des responsabilités et dépêcher au théâtre un journaliste qui ne possède pas le minimum d'outils nécessaires. Je vais me retenir de vilipender le travail de ce monsieur Aubin, qui a été parachuté là ou il n'aurait pas dû l'être et n'y est peut-être pour rien dans cette histoire. Mais pour mettre les choses au clair sur le rôle de la critique, je vous renvoie à ces deux principes énoncés par l'Association québécoise des critiques de théâtre (site web) .
1. Le travail du critique a pour fonction de rendre compte des œuvres, d'en faire une lecture éclairante et de donner au public des indices pertinents pour les aborder. Il doit être ouvert à la pluralité des voies artistiques et conscient de la relativité de ses propres perspectives.
2. Le critique évite l'injure, le persiflage ou le dénigrement.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais j'ai le sentiment que ces deux principes ont été littéralement massacrés par le Journal de Montréal. La critique, en général, doit sûrement faire son examen de conscience, mais si on pouvait au moins éviter les cas extrêmes comme celui-là, ce serait un bon début.
Les jeunes ont l’avantage d’être idéalistes alors qu’en vieillissant nous devons nous contenter d’être réalistes. Le code d’éthique de cette association de critiques de théâtre (AQCT) me semble plein de bonnes intentions, mais cette association forte de sa quarantaine de membres ne m’impressionne pas. J’avais d’ailleurs laissé un commentaire, sur le blogue de votre confrère Christian Saint-Pierre, à l’effet qu’un manque d’effectif semblait toucher le milieu des critiques de spectacles. Une médaille a toujours 2 côtés et je crois que votre texte correspond bien au 1er côté. J’aimerais ajouter le 2e côté de cette médaille et c’est celui de la culture d’entreprise.
Le Journal de Montréal a toujours fait de gros titres, avec des photos et des articles aux contenus souvent assez ollé-ollé. Je suis surpris qu’un tel journal, consacrant la moitié de ses pages aux articles sportifs, publie maintenant des critiques sur des pièces de théâtre. Normalement la section cinéma/chansons serait suffisante pour le grand public mais j’imagine que pour des raisons de rentabilité ils ont ajoutés les arts de la scène. Le style employé par ce journaliste est celui du Journal de Montréal avec ses gros titres et le public qu’il vise est celui des lecteurs de ce journal qui ne sont pas nécessairement des intellectuels mais plutôt des travailleurs manuels qui fréquentent rarement les théâtres. Le genre de texte que vous idéalisez est bien à sa place dans le VOIR mais ce genre de texte aurait probablement déplu à l’administration de Quebecor et aussi aux lecteurs du Journal de Montréal qui se régalent de faits divers. C’est dans la variété que l’on rejoint le maximum de personnes et je crois qu’il ne s’agit que d’une forme d’écriture populiste.
Monsieur Parisien, il est vrai que je suis un jeune homme idéaliste. Cela dit, rassurez-vous, je n’ignore pas que les priorités du journal de Montréal ne sont pas celles de VOIR. Mais populisme ou non, il y a des limites à ne pas franchir. Avoir le privilège d’écrire dans un média aussi lu que le jdm comporte aussi une grande part de responsabilité. Votre commentaire laisse entendre, comme le faisait d’ailleurs ce journaliste, que le théâtre n’est qu’une affaire d’intello totalement indigeste pour le commun des mortels. Voilà bien ce qui me désespère. Quand diable allons-nous nous débarasser de tout cet anti-intellectualisme ? Mais voilà encore l’idéaliste qui parle… Je considère qu’il y a de la place pour le théâtre dans le journal de Montréal, même si le discours critique n’y a jamais été totalement mis de l’avant. La collègue Claudia Larochelle, qui sévit présentement à ruefrontenac.com, avait toutefois le mérite d’écrire des textes descriptifs et respectueux, qui présentaient les spectacles et introduisaient le spectateur aux univers scéniques. Une approche sage mais intègre. Et qui collait très bien à son journal, sans tomber dans le persiflage. Quant au manque d’effectif, vous avez peut-être raison, mais il manque surtout ces temps-ci de revenus publicitaires dans les médias écrits, et donc d’espace pour la critique…
Visiblement, le monsieur du Journal de Montréal ne semble ni amateur ni averti. Et en dehors de son ego, il ne sert personne avec de tels propos.
Par ailleurs, Monsieur Parisien, ce n’est pas parce qu’une association n’a qu’une quarantaine de membres que ses principes ne sont ni sérieux ni valables et je pense que les idéalistes (j’en suis, malgré mon âge déjà honorable) sont un rempart à la marchandisation éhontée de l’information. Parfois aussi, à la bêtise.
Quant au nombre de critiques sur le marché, il dépend des revenus des médias qui dépendent eux-mêmes de leur succès populaire. Par les temps qui courent, nous avons grand souci à nous faire et les idéaux sont un carburant bien efficace pour nous garder en selle.
Monsieur Parisien,
Vous me voyez attristé de constater le défaitisme cuisant qui ressort de votre commentaire. Pour ma défense (moi-même jeune finissant des études théâtrales), je pourrais avouer que ce genre de commentaires blasés témoignent typiquement de la tranche cinquantenaire. Est-ce que je vois juste? J’ose espérer que je me trompe, et que les générations qui me précèdent n’ont pas tous votre regard. J’espère, au moins pour vous, que votre soif théâtrale sait toujours se nourrir autant d’intellectualité que de simple plaisir.
Je suis de ceux qui croient que le Journal de Montréal n’a pas un mandat de critiquer la société culturelle dans laquelle nous vivons à travers des écrits précis et poussé (comme le fait le VOIR ou les cahiers JEU). Cependant, je suis également de ceux qui pensent que les médias ont une responsabilité d’éducation et de conscience sociale. Cela me désole que vous laissez prétendre que le théâtre serait encore cet art « élitiste », en insistant sur le fait qu’il n’intéresse pas les lecteurs « populistes » du Journal de Montréal. La nature propre du théâtre n’est-il pas au contraire cet art vivant au milieu de la société? Cet art motivant et motivé par les gens qui l’habite? Cet art qui nous offre une réflexion critique, quelle soit consciente ou non? Je l’espère. Ici, il ne s’agit pas d’être idéaliste ou défaitiste. Ni même d’être réaliste. Il s’agit tout simplement de faire découvrir le théâtre sous toutes ses facettes et de le faire apprivoiser à un public vaste et grand. Le média, même « populiste » soit-il, ne devrait-il pas au contraire tenter de dérouter cette mauvaise vision que l’on peut voir du théâtre?
Je trouve également outrageux l’exemple de mauvais goût qui stipule que les gens aux métiers manuels (les pseudos lecteurs du Journal de Montréal) ne s’intéressent pas au théâtre. Vous venez, encore ici, de perdre toute crédibilité en vous assoyant confortablement sur des préjugés vides et pauvres. Arrêtons de s’ancrer dans un mouvement d’élite. C’est exactement de cette façon que nous perdrons le sens premier du théâtre. Le théâtre est l’art même du peuple; cela stimule la réflexion critique et nous rend un peuple plus fort, plus saint. Il faut se battre contre cette mauvaise réputation.
Je n’ai pas de doute que vous ne croyez pas totalement à cet art « élitiste » et que vous espérez comme moi que le peuple québécois se presse de remplir les salles. Malgré tout, le fait de céder si facilement au combat, fait preuve d’un manque total de passion et de foi en l’outil social théâtral.
Si vous vous enfoncez confortablement dans votre vision élitiste, je peux vous assurer que le théâtre n’a réellement pas besoin de vous. J’en suis peiné pour vous.
OULALALLALAALLAALLA que de grandes discussions.
Je trouve également que l’article de monsieur Aubin est un peu vide. À croire qu’il n’a pas assister au spectacle.
Dans le contexte actuel du JOURNAL DE MONTRÉAL, je comprends que ce n’est pas de la faute de l’auteur et qu’il a été probablement catapulté dans la section-théâtre sous peine de tortures et de sévices. Je crois tout de même qu’il s’agit de la responsabilité de l’auteur de ne pas effectuer un travail qu’il ne peut effectuer… même sous peine de mort (hahaha).
À MONSIEUR PARISIEN: La rage se déferle contre vous mon ami (pardonnez ma familiarité) hahahaha! Je suis d’accord avec vous… le JOURNAL DE MONTRÉAL est un rendu de bas étage. Malgré tout, je suis bien d’accord avec l’article de monsieur Pitre qui avance la responsabilité des médias! Je crois qu’un gouvernement responsable devrait intervenir. Ou, je ne sais pas moi.. un genre de CRTC, mais pour les articles de bas étages… ! Ouf.. que je suis cinglant!
À MONSIEUR COUTURE: merci. c’est bien agréable de voir des critiques idéalistes. Faite attention pour ne pas tomber dans l’utopisme….! Cela pourrait être dangeureux.. mais en vous voyant aller, je n’ai aucune crainte. Vous transpirez de bonnes intentions.
À MADAME CABANO: Je trouve que vous avez raison. Et malgré votre âge honorable, je sens que vos ailes de la jeune vingtaine s’élancent telles la vierge qui découvre son premier carré de sucre. Tout ça, fait beaucoup de bien.
Je suis étonné par certaines réactions qui se retrouvent sur ce blogue. Lorsque je mentionnais les termes élitistes, intellectuels, travailleurs manuels et populistes ce n’était pas pour m’attaquer à qui que ce soit, mais simplement pour tenter d’établir qu’il existait des tendances lourdes dans la société faisant qu’une partie de la population préfère un genre de spectacle alors que d’autres préféreront d’autres genres de spectacles. Peut-on admettre qu’un spectateur qui assiste au spectacle de Lady Gaga ou assiste à la projection d’un film de Rambo n’est pas nécessairement le même qui fréquentera les salles de théâtre ou d’opéra? C’était l’article de ce journaliste qui, rédigé d’une certaine façon, avait agacé Philippe Couture et non pas une histoire de conflit de générations ou de classes sociales: c’est le sujet de départ de ce blogue.
Je suis désolé de constater que le débat semble prendre une tournure dans laquelle des gens outrés se sentent visés mais je pense qu’il faut revenir à cet article du Journal de Montréal. Je n’ignore pas que le théâtre peut être à la portée de tous. Le théâtre pour jeune public (enfants) n’est tout de même pas intellectuel et je ne crois pas l’être moi non plus, avec mon métier, et pourtant je fréquente ces salles de théâtres depuis plus de 25 ans alors j’ai eu l’occasion d’assister à des spectacles qui étaient vraiment recommandables à tous. Cette association (AQCT) me semble pleine de bonnes intentions, je l’avais déjà écrit, mais mon association, à moi, c’est une centrale syndicale forte de centaines de milliers de travailleurs et c’est pourquoi, Madame Cabado, que l’AQCT ne m’impressionne pas: pas assez de membres. J’ai bien l’intention de continuer à assister aux spectacles, bons ou mauvais, et comme tous les spectateurs j’achète mon billet donc je participe à la rentabilité de ces spectacles. Les propos moralisateurs me semblent inutiles.
Monsieur Parisien, vous avez bien raison de réorienter le propos. Il était d’abord question du rôle de la critique. Restons-en là.
Juste une précision à propos de l’AQCT: les membres de cette association sont aussi membres, par extension, de l’Association internationale des critiques de théâtre, qui, elle, regroupe plus de deux mille critiques de théâtre (et autres arts de la scène), répartis dans une cinquantaine de pays. Les critiques de théâtre espagnols se sont d’ailleurs inspirés du code d’éthique québécois pour établir le leur. Des principes effectivement valables et reconnus par la profession entière, comme le disait ma collègue Fabienne Cabado.
Je suis honnête et sincèrement désolé que mes mots se soient rendus comme une attaque personnelle en vers vous, Monsieur Parisien. Il s’agit tout simplement de l’éternel fatigue du discours moralisant et réaliste qui me tuent dans la création théâtrale. Je comprends votre point de vue (l’envers de la médaille, comme vous dites).
Portez, simplement une attention particulière aux exemples que vous donnez. Ceux-ci sont chargés de clichés n’aidant pas à l’appréciation du point de vue. C’est un peu ce que j’ai cherché, moi-même à faire..!
Pour ce qui est de l’AQCT…. il paraît vivement important de se réjouir de sa présence. Sans quoi, la définition du mandat du critique serait peut-être peu clair. Le fait de se soumettre à l’association, favorise la crédibilité journalistique et analytique. Est-ce que l’association changera le monde? Faut-il être plusieurs pour changer le monde? Je n’ai pas le goût de me lancer dans ce débat. Cependant, malgré le peu de membres (par rapport à une centrale syndicale… comme vous l’avancez), nous pouvons nous réjouir qu’il y aura au moins une quarantaine de critiques prêts à servir le monde théâtral comme il doit l’être. Ce pas est déjà amplement appréciable. Suffisant? Non… mais appréciable. Et plutôt que de miner sa crédibilité, pouvons-nous plutôt l’appuyer et en être fier? Fier d’avoir de vrais critique réunis sous une même association, nous permettant de perpétuer la tradition encore toute jeune au Québec; celle des penseurs-critiques de théâtre