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Des animaux sur scène

En magasin depuis quelques jours, le plus récent numéro de JEU (qui a troqué l'appellation Cahiers de théâtre pour l'intitulé revue de théâtre) propose un dossier fort intéressant sur les animaux en scène (dirigé par Hélène Jacques). Des questionnements éthiques sur la présence d'animaux dans l'art contemporain jusqu'aux analyses de la figure chevaline dans la danse contemporaine, le dossier ratisse large et surprend par sa fraîcheur. Le sujet, avouons-le, est inusité.

L'article de Rosaline Deslauriers, par exemple, analyse l'expérience du partage de la scène entre acteurs et animaux dans deux spectacles français, Et balancez mes cendres sur Mickey de Rodrigo Garcia et une production d'Électre par le Théâtre du Lierre. Deux points de vue différents traversent son texte : d'abord celui d'un acteur ayant partagé la scène avec un coq dans Electre, à travers des bribes d'entretien dévoilant la nature imprévisible de l'animal et les risques que cela comporte. Plutôt anecdotique, le récit est amusant et soulève la traditionnelle question de l'«accident et du hasard au théâtre». L'autre exemple, convoquant les tortures infligées à des hamsters dans le spectacle de Rodrigo Garcia, est présenté du point de vue du spectateur et insiste sur la brutalité et «l'expérience du bouleversement» que permet ce genre d'incursion animale sur scène. L'esthétique de Garcia soulève de passionnantes questions éthiques, que l'auteure identifie et situe selon des perspectives symboliques et sensorielles.

Le dossier comprend aussi un entretien avec Jean-François Casabonne et Francine Alepin, acteurs ayant tous deux joué des animaux sur scène.  Ils parlent du plaisir qu'ils ont à jouer des animaux, mais aussi des «zones d'inconscient» auxquelles le fait d'interpréter un animal leur permet d'accéder.  Mon collègue Christian St-Pierre signe aussi un texte sur la figure du chien dans la dramaturgie québécoise, en analysant particulièrement la place occupée par celle-ci dans le dernier texte de Justin Laramée, Transmissions.

À lire par morceaux, tout en jouissant du nouveau graphisme de la revue, sobre et agréable. Les photos sont plus nombreuses et plus grandes qu'avant. JEU a toujours laissé une grande place aux photos de scène dans ses pages; on se réjouit que ce parti pris soit conservé et accentué.  Trop de photos de théâtre demeurent dans l'ombre; elles constituent pourtant une mémoire essentielle.
Bonne lecture.