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Engagé, le théâtre québécois?

Un lieu commun veut que depuis les années 80, après la décennie de théâtre politique des années 70, le théâtre québécois soit devenu un théâtre de l'intime, replié sur soi , incapable de parler du monde qui l'entoure et  de faire preuve d'engagement.  C'est de moins en moins vrai. Si les nouvelles générations d'auteurs affirment souvent leur engagement de façon détournée (et c'est parfois déplorable), ils ne le font pas moins.

Aux derniers états généraux du théâtre, la traductrice Linda Gaboriau se plaignait de l'individualisme des jeunes auteurs, soulignait à demi-mots leur incapacité à tenir un discours autre que narcissique et à enraciner leur propos dans le territoire, l'histoire et la collectivité du Québec.  Son point de vue, rapporté dans JEU 126, est intéressant et met le doigt sur une réelle problématique, mais il faut bien admettre que bien souvent, les personnages individualistes mis en scène dans notre jeune dramaturgie sont le reflet d'une époque et s'inscrivent dans un cadre plus large, permettant une réflexion qui va plus loin que les obsessions personnelles des auteurs.  Leur cadre est plus sociologique que politique, mais il y a certainement là une forme d'engagement.

Hier soir, j'étais à La Petite Licorne et j'assistais à une représentation de Stand up tragique 2, un spectacle de contes urbains créé par la compagnie Les Foutoukours et mis en scène par Rémi Jacques. Des histoires qui font certainement fi de la politique et des enjeux proprement québécois mais s'attaquent de plein pied à des sujets tabous. Hypersexualisation, solitude et mésadaptation sociale, superficialisme, obésité et culte de la performance sont autant de thèmes abordés dans les textes d'Emmanuel Reichenbach, Hugo Turgeon, Rémi Jacques, Etienne Lepage et Simon Boulerice. Le discours est lancé par des personnages à l'ego démesuré, sans volonté des auteurs d'inscrire leurs récits dans un cadre politique ou social trop précis, sans éviter non plus certains clichés agaçants et la recherche du rire facile, mais le résultat demeure percutant et force la prise de conscience.

Je voudrais aussi voir plus souvent du vrai théâtre politique.  Mais j'assiste régulièrement à ce genre de spectacle «socialement engagé». C'est parfois maladroit. C'est souvent trop gentil ou pas assez réfléchi. Mais quelque chose se passe. Qui sait ce qui nous attend dans les prochaines saisons théâtrales ?

Stand-up tragique 2 est à l'affiche jusqu'au 5 mai à la Petite Licorne. Vous pouvez visionner le vidéo promo.

Sur la photo: Rémi Jacques