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Commanditaires encombrants

Je suis un peu en retard, mais j'ai envie de réagir à une nouvelle culturelle de la semaine dernière. À l'émission de Christiane Charrette de vendredi dernier (le 8 mai), Nathalie Petrowsky, François Legault et Josée Legault (ma collègue à Voir), discutaient de la Maison du Festival de Jazz, qu'on baptisera Maison Rio Tinto Alcan en l'honneur de son commanditaire principal. Vous pouvez retracer cette émission en baldodiffusion.

Le clou de la discussion: doit-on décourager ce genre de pratique dans lesquelles les institutions culturelles perdent leur âme et leur identité, alors qu'elles ont un besoin criant des fonds privés ? Christiane charrette, prenant l'exemple des communautés anglophones de Montréal, semblait croire qu'il faut encourager le privé à investir dans l'art et la culture. Ça marche bien avec les anglos, alors pourquoi ça ne fonctionnerait pas pour nous ?

Je ne sais pas pour vous, mais je n'en suis pas convaincu. Si le philantropisme, ou le mécénat, est bien implanté chez les Anglos et s'effectue de manière relativement désintéressée, il n'en est rien du côté francophone. La tradition du mécénat n'y existe à peu près pas, et ce serait étonnant qu'elle naisse du jour au lendemain. La contribution du privé s'accompagne toujours de publicité encombrante, et bienheureux celui qui réussira à inverser la tendance! Si les anglo-montréalais y ont plus souvent recours, c'est en partie parce que leur art est gravement sous-subventionné. Et dans la conjoncture politique actuelle, faire plus de place au privé dans le financement de la culture serait envoyer aux conservateurs un bien drôle de message. Ne leur laissons pas croire que leurs subventions ne sont pas nécessaires.

On a tendance à accepter facilement la visibilité outrancière des commanditaires dans les événements sportifs et les festivals culturels d'envergure. Mais en écoutant Petrowsky et compagnie, je me suis demandé ce que je penserais d'un Théâtre d'Aujourd'hui devenu Théâtre Saputo ou d'un Espace Go transformé en Théâtre Bell Canada. La réponse me vient naturellement: j'en serais profondément indigné! Justement, Nathalie Petrowski rappelait qu'en 1999, Wajdi Mouawad s'était insurgé dans une longue lettre ouverte contre la présence de panneaux publicitaires d'Hydro-Québec sur la scène du TNM. Je n'arrive pas à retrouver l'intégrale de cette lettre sur le web (si vous connaissez un lien pour la retrouver, merci de le partager), mais Wajdi avait bien raison de monter aux barricades. Qu'en pensez-vous ?

Pour alimenter le débat, Marie-Claude Ducas parle aussi de cette question sur son blogue sur infopresse.com. Marie-Andrée Chouinard y a aussi consacré un édito dans Le Devoir.

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N.B. Ceci est le dernier billet d'ordre général avant que mon blogue se consacre exclusivement, pour les trois prochaines semaines, au festival Trans-Amériques et son volet OFF (le OFFTA). Mon collègue Christian Saint-Pierre et moi verrons un maximum de spectacles et en témoignerons le plus rapidement possible sur nos blogues respectifs. Je compte aussi vous alimenter en matériel préparatoire aux spectacles: contenu audio-vidéo, entrevues, extraits de spectacles, liens vers des critiques étrangères et tutti quanti.