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FTA: Une fête pour Boris en grande première mondiale

Grande première mondiale ce soir d'Une fête pour Boris, nouvelle création du Théâtre Ubu.

Peu d'informations circulent sur le nouveau spectacle de Denis Marleau. Vous pouvez lire l'entretien qu'il a accordé à mon collègue Christian St-Pierre, mais pour compléter, parlons de l'œuvre de Thomas Bernhardt.

Quand Marleau a créé Maîtres anciens, une adaptation d'un roman de Bernhardt, la critique Solange Lévesque a été l'une des seules voix discordantes, l'une des rares téméraires à émettre des réserves sur le spectacle. À vrai dire, son texte, publié dans JEU, n'était pas une critique, mais une réflexion sur le phénomène de l'adaptation du roman au théâtre, par le truchement du spectacle de Marleau. Passionnée de l'œuvre de Thomas Bernhardt, elle décrivait avec précision et clarté le style unique de l'auteur autrichien :

«La construction de plusieurs romans et récits de Bernhardt repose sur des monologues polyphoniques où l'auteur, multipliant les propositions, arrive à créer ce rythme haletant de la phrase, ce souffle souvent interrompu et sans cesse repris, qui rend la lecture de ses textes si troublante. La «voix intérieure» du lecteur finit, elle aussi, par se laisser atteindre par ce souci de précision, cette urgence de ne rien laisser derrière dans la mémoire, ce besoin de garder avec soi chaque détail à chaque instant. Chez Bernhardt, un personnage narrateur rapporte souvent les propos (écrits ou parlés) d'autres personnages, ces relations ont lieu à un deuxième, parfois à un troisième niveau. Premier et dernier maillon-narrateur de cette chaîne: l'auteur. Ce procédé littéraire qui fonde en grande partie l'originalité de l'œuvre de Bernhardt transforme le témoignage et la citation en un matériau romanesque puissant. Des œuvres dont la structure est d'abord musicale.»

Très bien, mais qu'en est-il de son théâtre ? Je vous invite à lire, sur evene,fr, ce texte qui synthétise la vie et l'œuvre de Bernhard. Pour les néophytes, comme moi.

Et, puis, est-il besoin de rappeler à quel point Denis Marleau, en 1995, avait prouvé par sa mise en scène de Maîtres anciens qu'il sait dompter la langue et l'univers de Thomas Bernhardt. Quelques extraits critiques :

«Denis Marleau réussit un travail prodigieux de précision et d'intelligence. Il a choisi de mettre en scène deux Reger et deux Atzbacher pour jouer du trafic de répliques et pour entrer plus largement dans le champ du récitatif, appliquant à merveille le système musical de l'écriture de Bernhard, qui relève de la variation multiple et continue, spirale et incessante. C'est totalement réussi sur le plan sonore et dialogual.»
Robert Lévesque, Le Devoir

«Dans un très beau décor de bois en forme d'arène (de Claude Goyette), le verbe haut et noir du poète autrichien était porté par six acteurs à l'art aussi nuancé que l'écriture de Bernhard est péremptoire. On retrouve le goût de Marleau pour la belle ouvrage qui ne s'effraie ni de la provocation ni de la complexité des ouvrages qu'il défend.»
Olivier Schmitt, Le Monde

Bon spectacle.