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OFFTA: éclectique marathon d’ouverture

BANG ! Hier soir, le marathon d'ouverture du OFFTA a débuté de manière explosive. L'animatrice Sophie Cadieux, d'abord sur écran dans le numéro d'ouverture du spectacle, n'avait pas encore dit trois mots quand la première rangée du parterre s'est affaissée sous le poids des spectateurs ahuris. Il a fallu évacuer la salle par mesure de sécurité, le temps d'installer une cinquantaine de sièges sur scène et d'ouvrir le balcon pour les autres spectateurs. Je ne vous cacherai pas que l'incident a un peu cassé le party, et qu'assister au marathon dans une salle ainsi déconfite n'était pas tellement transcendant: un drôle de rapport scène/salle. Mais chapeau à l'équipe du OFF. The show must go on!

Avec Sophie Cadieux comme maître à bord, le marathon était plutôt sobre. Pas de délire incontrôlé sur scène ni d'escalade de rires dans la salle; l'ambiance était à l'écoute respectueuse et la découverte. Du moins dans la portion de spectacle que j'ai vue, car j'ai raté la fin. Il faut dire que les numéros étaient aussi d'un grand sérieux, nettement moins humoristiques que la sélection de l'an dernier. Ce qui n'est pas plus mal. Une vraie soirée de découvertes, avec des figures moins connues et des artistes plus établis, mais presque juste du matériel neuf et exclusif. Des hauts et des bas, mais il fallait s'y attendre.

Simon Boudreault, auteur de Sauce Brune, qu'on a pu voir cette saison à l'Espace Libre, a frappé dans le mille avec un monologue incisif dans lequel un pauvre homme se sent perdu dans ses divers rôles sociaux et sa vie surchargée, incapable de soutenir le marathon de la vie et les regrets qui s'accumulent. Un texte qui fonctionne par à-coups: de nouvelles angoisses surgissent constamment au détour de la phrase, déviant la route du pauvre homme comme dans une course à obstacles dont on ne sort pas indemne. Et tout ça avec humour et causticité. Peut-être un avant-goût d'une future pièce, qui sait ?

Patrice Dubois a bel et bien lu, tel que promis, des extraits d'un roman de Thomas Bernhard à vitesse Grand V, jusqu'à en perdre le souffle. Une performance impressionnante et déstabilisante, mais surtout un pied-de-nez moqueur à l'écriture de Bernhard et ses loghorrées interminables. C'était de circonstance en ce soir de première de Une fête pour Boris, première pièce de l'auteur, dans une mise en scène (tout à fait prodigieuse en passant) de Denis Marleau. (voir la critique de mon collègue Christian St-Pierre)

Philippe Ducros, auteur qui fait de plus en plus de vagues avec ses textes profondément politiques et engagés, a livré un vibrant plaidoyer où se mélangent, pêle-mêle, une dénonciation du haut taux de suicide montréalais et de la «course à la performance et la productivité», à travers une série d'images urbaines: ponts, rails de métro et Montréalaises "topless" au premier rang.
 
Beaucoup de danse et de performance également, dans cette soirée d'ouverture. Entre autres, on a eu droit à une superbe chorégraphie de Chanti Wadge, un extrait d'un prochain spectacle en cours de répétitions. Sur une musique exécutée en direct par Michel F. Côté, la danseuse Isabelle Poirier, affublée de plumes de paon, se départit doucement du poids qui l'assaille. Le corps est pulsionnel et ondulatoire. Ça augure bien pour la suite. S'en est suivi un numéro un peu improvisé de Frédérick Gravel, qui a profité du OFF pour présenter du neuf, pas du «matériel bourgeois et passéiste», a-t-il plaisanté, faisant référence à Gravelworks, le spectacle très couru qu'il présente au FTA.

J'ai aussi eu le temps de voir Andrew Turner et sa gestuelle «virile» (j'emprunte ici le qualificatif suggéré par ma collègue Fabienne Cabado), et la poésie-performance de Rita Badoura, artiste inclassable dont on pourra aussi entendre un texte dans le cadre des lectures publiques Israël-Liban au TNM ce weekend. Disons qu'il s'agit de petits récits poétiques, où se confondent intimité, vulnérabilité et perceptions sensibles d'un monde en guerre, sur un ton langoureux et des modulations déroutantes de la voix. Inclassable, je vous disais.

Et j'ai sans doute raté beaucoup de bons moments par la suite. Si ça vous dit, je vous invite à partager aussi vos impressions de la soirée. Et bon OFFTA !