Une visite du Old Trout Puppet Workshop, compagnie albertaine de théâtre de marionnettes tout à fait unique en son genre, ça ne se rate pas. Leur nouveau spectacle, qui les mènera en Europe pour la toute première fois, est une pièce un peu manichéenne, qui met en scène un Don Juan torturé entre le bien et le mal, écartelé entre ses moeurs condamnables et son désir de répandre partout un amour incontrôlable et démesuré. Expédié aux enfers, surveillé de près par le diable (Pityu Kendres) et ses démons, il raconte sa vie tumultueuse et en revit les événements-clé. Joué par un acteur en chair et en os, Peter Balkwill, Don Juan interagit avec des marionnettes, des masques et des prothèses manipulés par Anne Lalancette et Jackson Andrews, qui sont autant de représentations fantaisistes des femmes de sa vie. Il ne s'agit pas là d'une vision fondamentalement nouvelle du mythique personnage, et le discours mis de l'avant est un brin moralisateur et fleur bleue (aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés), mais dans l'ensemble, on se laisse prendre au jeu et le spectacle est cohérent.
Très cérémonielle, la mise en scène de Vanessa Porteous alterne les scènes de narration et les reconstitutions visuelles des épisodes marquants de la vie de Don Juan. Les narrations sont un peu empesées, peut-être même trop explicatives, car les scènes visuelles, d'une grande force d'évocation, suffiraient amplement à nous plonger dans les angoisses du célèbre séducteur. Chorégraphiées avec inventivité et justesse, les manipulations à vue des masques et marionnettes installent un séduisant dialogue entre l'acteur et l'objet, le vivant et l'inanimé. Cela dit, l'esthétique du spectacle, inspiré de l'architecture coloniale mexicaine et manifestement dictée par le désir de sacraliser la scène, relève plutôt de la cérémonie religieuse que de la chevauchée érotique. Ce qui donne à la pièce un petit quelque chose d'austère et de maniéré. On regrette un peu l'humour de Famous Puppet death scenes, dernier spectacle que le Old Trout a présenté à Montréal, il y a deux ans, dans le cadre du FTA. L'expérience demeure visuellement saisissante.
Jusqu'au samedi 30 mai à l'Espace Libre.
Une visite sur les sites d'Espace Libre, du OFF.T.A ou du Old Trout Puppet workshop vous donnera plus de détails.