Jusqu'à maintenant, le FTA n'est pas décevant. Mais je dois dire que Rambo Solo, du Nature Theatre of Oklahoma de New York, est mon premier gros coup de cœur. Pourtant, ce n'est pas l'un des spectacles les plus attendus, ni une œuvre très spectaculaire ou esthétisante. Mais c'est un spectacle ludique et intelligent, dont la forme et le propos sont parfaitement arrimés, absolument fusionnels et surtout, très signifiants.
En arrière-scène, il y a cet écran panoramique, dans lequel sont projetées en simultané trois séquences vidéo montrant l'acteur Zachary Oberzan dans son appartement, racontant l'histoire de First Blood, mêlant à son discours ses souvenirs du roman de David Morrell comme ceux du film hollywoodien, y allant parfois de commentaires critiques, parfois de schématisations éclairantes. La même partition, presqu'à la minute près, a été tournée à trois moments distincts, à partir d'un angle de vue légèrement différent, et se retrouve projetée en légère asynchronie, pendant que sur scène, le même acteur reprend le même récit (qu'il écoute sur son ipod), en se synchronisant avec l'une ou l'autre des séquences vidéo, passant imperceptiblement de l'une à l'autre par de subtils changements de rythme énonciatif. C'est de la haute voltige.
De ce manège répétitif et obsessionnel émerge une formidable illustration de la manière dont les récits se déposent en strates dans l'inconscient et ne demandent qu'à être réinvestis, réinterprétés et même transgressés pour mieux se déployer. Quatre visions d'une même histoire et d'une même situation sont à l'œuvre, peut-être même plus si on creuse un peu dans le sous-texte et derrière l'image, et quatre visions d'une même identité se confrontent et se confortent. Une forme fragmentée et démultipliée qui se déploie à l'infini.
Sans compter que la narration est ici jubilatoire, empruntant au langage populaire ses élans naturels vers le conte et ses digressions tortueuses.
À noter que le spectacle est en anglais très américain, sans sous-titres. Il y a encore deux représentations, ce soir et demain, à l'Espace Go (dans la salle de répétition)