De toutes les créations québécoises présentées au FTA, Gestes Impies, du Théâtre de la Pire Espèce, est sans doute celle qui causera la plus grande surprise. Francis Monty et Mathieu Gosselin, que j'ai rencontré il y a deux semaines pour en discuter, refusent de parler d'un virage ou d'un changement de cap, mais on sent bien que leur nouvelle pièce les propulse vers de nouveaux horizons. Ils m'ont assuré que le travail qu'ils présentent avait débuté il y a bien longtemps, dans les répétitions de M. Ratichon ou la vie est un match, spectacle dans lequel le dialogue entre l'acteur et la bande sonore était primordial. Ils ont répété que, fondamentalement, le théâtre d'objet et le théâtre d'images se ressemblent : même façon de créer par écriture scénique, à partir de contraintes extérieures à l'acteur. On a quand même très hâte de voir de quoi aura l'air ce nouveau spectacle qui, à l'inverse d'Ubu sur la table ou même de Persée, adopte un rythme lent et vaporeux, présente des personnages felliniens et propose des atmosphères oniriques auxquels la compagnie ne nous a pas habitués.
Je vous invite à relire l'entrevue qu'ils m'ont accordée, et pour la suite, voici quelques bribes de conversation non-publiées.
À propos de la «suprématie» de la matière :
MATHIEU GOSSELIN: On n'a pas autant de prise sur la matière que sur les humains qui nous entourent. C'est paradoxal de dire ça, mais je pense que le caractère durable et inanimé des objets leur donne une sorte de suprématie, de supériorité.
FRANCIS MONTY: On peut en tout cas utiliser leur aspect inanimé pour projeter en eux des symboles et du sens qu'ils n'ont pas à première vue. Ce ne sont plus des objets-personnages comme dans nos autres pièces, ils sont des symboles, et souvent des compléments à l'acteur, des métaphores. En même temps on jette aussi l'éclairage sur leur littéralité, y'a des moments dans le spectacle ou la métaphore est laissée de côté au profit de l'aspect brut des objets. On fait des allers-retours entre le brut et le symbolique.
À propos du corps:
FRANCIS : Dans le spectacle, la matière est contraignante pour le corps des acteurs. Une fois qu'ils sont en contact avec, par exemple, les immenses cônes de papier qu'on leur met au visage, ils en sont affectés de la tête au pied, ça modifie le corps et surtout la façon de marcher, le rapport au sol.
MATHIEU : La conscience de l'espace est très importante pour nos acteurs dans ce spectacle, c'est très exigeant. On se soucie aussi beaucoup de l'enveloppe extérieure du corps, de l'artificialité du corps.
Et pour finir, un extrait du spectacle lors de l'une des étapes de création, en octobre dernier.