BloguesParathéâtre

Fringe 2009: de la captive troyenne aux totalitarismes et chansons d’hospice

Le Fringe se poursuit dans la joie. Difficile soirée à déambuler sous la pluie entre les différentes salles hier soir, mais les fringeurs sont au rendez-vous. Voici quelques critiques supplémentaires.

LOUIS 25 ANS CAPTIVE TROYENNE

On sent bien l'urgence qui a dicté la création de cette pièce. À partir d'une réplique des Troyennes (Je ne sais pas, c'était moi et ce n'était pas moi), une situation récurrente (les anniversaires de Louis) et une obsession (la mère de Louis), le Théâtre Point d'Orgue a bâti une courte pièce à la temporalité éclatée. Ce genre d'exercice est parfois catastrophique, mais ils en font un spectacle bien réglé et fort imagé. Au centre d'une marée de balounes rouges, le comédien Louis-Karl Tremblay revit des séquences-clé de ses anniversaires passés, victime bien malgré lui d'une sorte de manège incontrôlable. Là se mélangent, pêle-mêle, des souvenirs de sa mère, un oppressant  son de tic-tac et des scènes de tragédie grecque. Une trajectoire elliptique jusqu'à des vérités enfouies, misant sur une partition corporelle rythmée, des répétitions calculées, des symboles récurrents et une utilisation inventive des objets, qui nous fait vivre une expérience erratique de l'espace et du temps.  Ça ne laisse présager que du bon pour la suite: la compagnie prévoit présenter les Troyenne, version Sartre, dans quelques mois au Bain St-Michel. Une œuvre sur laquelle ils bûchent depuis plusieurs mois, et qui a d'abord fait l'objet d'une production et une recherche à l'intérieur des murs de l'école supérieure de théâtre de l'UQAM.

HUMANFLEISH

«Ce spectacle est un premier jet», écrit l'auteure et metteure en scène Eugénie Beaudry dans le programme de soirée. La précision est importante. Car si les intentions semblent bonnes, il n'y a pas encore là un spectacle à la mesure du talent de ses interprètes ( la comédienne Enrica Boucher , vue cette année dans les Pieds des Anges, ainsi que Laura Lacoste et Francis La Haye, qui travaillent souvent avec le chorégraphe Dave St-Pierre). Voyez le tableau : dans une société futuro-totalitariste, une jeune femme a défié le règlement en mariant l'homme qu'elle aime, un rite social disparu dans cette société «refroidie», où l'émotion et les «contacts dermiques» sont proscrits. S'ensuit une mise en quarantaine de la contrevenante, soumise à une série d'expérimentations effectuées par deux employés de l'État tout à fait abrutis, qui ne se doutent pas du tout où tout ça va les mener. Par moments, on dirait vraiment que cette fable est droit sortie de La guerre des mondes Le meilleur des mondes, roman culte d'Aldous Huxley, et ainsi présentée, on se demande un peu quelle est la pertinence de la chose. Ses prémisses sont trop semblables au roman pour éviter la comparaison, et la proposition dramaturgique en souffre. Plutôt que de faire évoluer la situation de base ou la renouveler, on a l'impression d'assister à du pré-mâché. Ainsi, le discours socialement engagé que la troupe tente de mettre de l'avant ne se rend tout simplement pas jusqu'au spectateur. Soulignons tout de même la précision du jeu physique et la force brute de la trame sonore, créant l'atmosphère post-apocalyptique souhaitée. On attend le deuxième jet.

CHANTONS À L'HOSPICE

Chantons à l'hospice est une fable beckettienne ponctuée de chansons tantôt naïves et tantôt grivoises. On y suit trois petits vieux qui «se font chier à l'hospice» et attendent un train imaginaire – ultime planche de salut pour échapper à leur quotidien désespérant. Mais le train se fait attendre et la vieille vache d'infirmière est toujours dans les pattes. Rien de mieux qu'une comptine et un chœur de zombies à la mine patibulaire pour fuir la réalité, et tout ça, sur un ton moqueur et bon enfant. Ça manque un peu de tonus par moments, et les dialogues entre les scènes musicales ne semblent pas avoir été écrits avec grand soin (après tout ils ne sont que prétexte à la musique). Mais dans l'ensemble, c'est savoureusement ironique, même assez lucide par moments. On ne se doutait pas qu'autant de monde pouvait peupler le petit plateau du Théâtre La Chapelle – la distribution de cette petite pièce d'à peine 30 minutes est étonnamment imposante.