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Fringe 2009: le désir attrappé par la queue

Je vous balance une dernière critique du Fringe, que je n'aurai malheureusement plus le temps de fréquenter d'ici dimanche. Vous trouverez toutefois, dans le compte-rendu critique que je publie aujourd'hui, des commentaires sur Under the radar et Teen Sleuth & the Freed Cyborg Choir, deux spectacles anglophones qui valent assurément le détour. Mes collègues du Hour vous parlent aussi du second sur leur blogue, que je vous invite à consulter de long en large – ils sont bien plus assidus que moi.

Critique :
LE DÉSIR ATTRAPPÉ PAR LA QUEUE

Tiens donc, Pablo Picasso a écrit une pièce de théâtre? Ceux qui ont suivi les spectacles des premières années du Théâtre Ubu de Denis Marleau le savent; le metteur en scène a monté en 1985 un collage de cette pièce et d'autres écrits surréalistes. Mais pour les autres, l'existence de ce texte constituera peut-être une surprise. Et toute une. Un truc injouable, d'une grande poésie, à grands coups de métaphores gastronomiques, de sensualité brûlante et d'envolées lyriques et baroques. Difficile d'assimiler d'un seul coup cette fable dont plusieurs passages ont été rédigés selon le principe de l'écriture automatique. En 1941, Paris est sous le joug de l'occupation. Gros-Pied fait la cour à La Tarte, sous le regard de huit autres personnages qui ont froid et faim. Leur appétit n'a pas d'égal, ils ont soif de sexe, de bouffe et de chaleur. Un joli bordel que la mise en scène de Véronick Raymond matérialise par une multiplicité de formes, misant avant tout sur l'image et le corps, puis sur un jeu contrasté, où les sensations et le relief des mots priment sur l'émotion ou l'intellect. À cela s'ajoutent des projections d'œuvres picturales et photographiques (par le concepteur Pierre Guillaume), nous invitant à promener l'œil et chercher des liens, en plus d'une scénographie de chariots et de panneaux métalliques roulants, dont la perspective est sans cesse modifiée. Il y a même quelques odeurs et émanations culinaires pour ajouter à la sensorialité de la chose. Le point de vue est multiple, ce qui a le mérite de déployer l'œuvre dans ses multiples tonalités et de dévoiler ses multiples réseaux de sens. On pourrait s'y perdre, et la surcharge n'est pas toujours maîtrisée, mais il y a tout de même là une certaine unité esthétique, une ligne directrice bien visible dans le choix des couleurs et des textures: le tout est définitivement charnel. Il faudra certainement retravailler certains passages pour les rendre plus organiques, améliorer certaines transitions dans lesquelles les images se superposent trop vite pour qu'on ne les attrappe, mais franchement il y a là une démarche digne d'intérêt. Vous pouvez encore voir ce spectacle les vendredi 19, samedi 20 et dimanche 21 juin au Cabaret Juste Pour Rire.

Je m'arrête là, mais je vous suggère de continuer à déambuler d'une scène à l'autre. On ne sait jamais trop à quoi s'attendre au Fringe, mais cette année aura été, dans mon cas, l'occasion de quelques étonnantes découvertes. Par voie de communiqué, hier, le festival rappelait aussi la tenue d'événements spéciaux gratuits, comme le Piknic Electronik spécial Fringe, suivi d'une bataille d'oreillers sur la Main, ou la Course Drag (une course à obstacles dont les concurrentes sont des drag queens professionnelles, animée par Mado Lamothe). Courez-y, l'ambiance est bonne dans les rues du Plateau en temps de Fringe.