La metteure en scène du Désir attrappé par la queue, Véronick Raymond (Théâtre Pretium Doloris), m'a fait parvenir ceci aujourd'hui, en complément de la critique que je publiais hier et qui a provoqué des réactions assez tranchées. Ses propos sont éclairants, je vous les partage:
"J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt les échanges sur ton blogue. C'est toujours fascinant de voir les réactions que notre travail provoque (et celui-ci en déclenche beaucoup, mais elles sont rarement tièdes!)…
Il me faudrait un long moment pour expliquer ma démarche de création pour ce work-in-progress, mais je tiens seulement à te dire qu'effectivement mon spectacle se voulait multi sensoriel et cherchait à explorer, avec les corps et les images, des sentiers qui se croisent puis s'éloignent, sentiers lexicologiques et picturaux pour la plupart, ouverts par Picasso et volontairement non clos par ce dernier. J'ai fait un long travail d'analyse et beaucoup de travail de table avec les comédiens, ainsi qu'une recherche assez approfondie au niveau de son œuvre picturale, avant de monter le tout.
Évidemment, je ne suis pas Picasso, mais ce travail et cette recherche m'ont convaincue d'adopter une « manière Picasso », c'est-à-dire ne pas lécher, laisser les traces de travail visibles, mettre les perspectives en contradiction, recycler, détourner les objets de leur usage, superposer, pointer dans des directions puis m'en détourner, ne rien fermer.. Laisser le spectateur voir les tableaux sous le tableau… Le petit vidéo qui suit résume beaucoup mieux que je ne pourrais le faire dans un courriel cette « manière Picasso » qui continue de m'inspirer…
Bien sûr, mon spectacle ne ressemble pas à celui de Denis Marleau en 1985 ou à celui d'autres avant moi – quelle en serait l'utilité? Mais je pense qu'il sillonne des pistes que le texte propose clairement…"
Je ne comprends pas pourquoi vous essayez de me faire passer pour plus con que je ne le suis avec cette boutade. La dernière chose que je veux, c’est de voir deux fois le même spectacle ou que quelqu’un me serve le style de quelqu’un d’autre. Restons courtois si vous le voulez bien. Ce sera plus agréable pour débattre.
Je ne critiquerai jamais la beauté des tableaux ou l’ingéniosité avec laquelle vous nous avez servi ce spectacle. C’était effectivement très beau, mais quand je vais au théâtre, j’y vais aussi pour me faire raconter une histoire et la trame de cette histoire n’existait pas dans votre spectacle, vous avez oublié de clarifier les situations entre les personnages qui sont assez claires dans le texte, ce n’était qu’une succession de tableaux et d’images ou le jeu a été mis de côté. Pourtant l’histoire est très claire dans le texte, ex:
Pourquoi essayer de nous fourrer dans la tête et à répétition que personne ne peut toucher le désir, alors que dans le texte Gros pied la touche clairement, donc, vous avez été à l’encontre de ce que Picasso avait écrit, non?
La base du théâtre
Être vu: La plupart du temps les projections étaient déficientes et des personnages étaient cachés ou mal positionnés dans l’espace.
Être entendu: La moitié des acteurs ne parlaient pas assez fort et n’avaient pas la force pour jouer ce texte.
J’ai la chance de voir environ 200 spectacles de théâtre par année, incluant Avignon et Stratford et ce depuis 20 ans. Je n’ai pas votre formation et je ne doute pas un instant de votre talent, puisqu’il en faut pour pouvoir monter ce genre de spectacle, mais j’espèere quand même que l’histoire sera clarifié ou réinventé pas le metteur en scène, ce qui ne fut malheureusement pas le cas.
Je vous souhaite beaucoup de succès à venir.
… je me posais une question. Lorsqu’un metteur en scène » prend » la charge de présenter un spectacle avec comme support un texte d’un auteur, est-il la pour exprimer les idées de l’auteur ou exprimer ce qu’il(le metteur en scène) ressent en lisant les mots de l’auteur?
Je prends comme exemple un auteur(fictif) de l’Afrique central qui aurait écrit « Le Soleil de midi me brûle la peau ». Ce texte faisant référence aux rayons du soleil à midi sur la peau d’un homme…. les effets..Etc.
Et voila qu’un Inuit tombe sur cette pièce et décide de la mettre en scène… Ne pensez vous pas que sa perception sera totalement différente? Que la charge émotive des mots ne se verra pas changée, teintée par la perception du soleil à midi par cet inuit qui vit au pôle nord et combien cela peut être intéressant de voir ce qu’il va nous montrer…
Je pense que une fois que l’auteur transmet son texte, la « charge émotive à transmettre » incombe au metteur en scène. Les mots ne sont que des mots. Des mots qui ont une définition dans les dictionnaires. Ces même mots ne prennent vie qu’en passant par le filtre unique du « re-créateur »(le metteur en scène)… enfin ce que je dis la n’engage que moi et loin de moi de croire que ce que je dis est la Vérité. C’est juste ma perception.
Quand je vais au théâtre, petit profane que je suis, j’oublie ma vie réel et je laisse mon « intellect » off , pour me laisser emporter hors de « mon temps » et hors de « mon espace » pour dans l’univers qui m’est présenter. Avec ce spectacle j’en ai eu plein les yeux et plein la tête… Je n’ai pas ris ni pleurer, juste de sensations de malaise, de peine, de folie, de paradoxe… (la liste est longue).
Que le spectacle soit imparfait(et que Véronique Raymond, ainsi que ces comédiens ne voient dans mes propos une critique, je ne suis qu’un humble spectateur), ou soit écrit par Picasso ou Picassiette(que Picasso me pardonne s’il le peut) cela m’importe peu car dans le monde qu’elle nous a présenté, j’ai « vécu » en le regardant dans son temps et son espace.
Je manque sans doute de culture et de compréhension … pardonnez-moi.
Je pourrais juste ajouter que si il manque un centime pour que cela fasse un dollar et que le spectacle soit parfait alors nous pouvons aisément supposer ce que nous ferait Véronique et sa distribution avec quelques milliers de dollar de plus , un plateau à bonne dimension. Mais c’est sans doute une autre histoire…
Ceci étant dit, j’ai beaucoup d’admiration(et cela est sincère) pour ceux qui manient l’écriture avec légéreté(ce n’est pa péjoratif), précision et aussi complexe(dans le sens très pensé) comme j’ai eu le plaisir de lire dans ce blogue.
Merci Fringe…. ALLEZ VOIR CE SPECTACLE!