Douce revanche pour Jan Fabre. L'orgie de la Tolérance (que les Montréalais ont pu voir au dernier festival Trans-Amériques) cartonne au festival d'Avignon. Les critiques sont dithyrambiques, le public exulte. Devant un parterre bondé de monde ce matin, le sulfureux metteur en scène flamand recevait, tout sourire et son éternelle cigarette au bec, les commentaires et questions d'un public franchement enthousiaste. Tout un contraste avec son dernier passage à Avignon en 2005, alors qu'il en était l'artiste associé.
Bref rappel des faits: la programmation 2005, fortement inspirée par le travail de Fabre, mettait de l'avant des œuvres dites post-dramatiques, ou l'image prime souvent sur le texte. La presse rapporte alors que plusieurs spectateurs quittent les salles en plein milieu des pièces; les critiques s'enflamment et dénoncent la violence gratuite de certaines propositions. Tout ça prend des proportions démesurées, jusqu'à provoquer une crise dans laquelle on a cru voir une nouvelle «querelle entre les Anciens et les Modernes». Pour ceux que ça intéresse, toute l'affaire est rapportée (et analysée) dans un ouvrage dirigé par Georges Banu et Bruno Tackels, Le Cas Avignon.
Quatre ans après la polémique, Fabre ne s'étonne pas du changement de cap. Interrogé ce matin par un spectateur, il s'est fait philosophe. «Si mon spectacle est bien reçu aujourd'hui, ce n'est pas parce que j'ai changé mon propos ou ma manière de travailler, c'est parce que la controverse de 2005 a permis d'ouvrir des portes. On ne me tape pas dessus cette année parce que mon travail peut faire son chemin dans un environnement nouveau.»
Sur ce, il a reçu des applaudissements chaleureux. Ouf, la querelle est bel et bien chose du passé! Même si Fabre en a profité pour lancer une nouvelle flèche en direction des journalistes. «Il ne faut pas écouter ce que la presse raconte. Elle tue l'artiste.» Nouvelle salve d'applaudissements. C'est comme ça Avignon: un lieu de débats et de confrontations comme d'émerveillement et d'espoir.
°°Philippe Couture est invité au festival d’Avignon avec le soutien de l’Office franco-québécois pour la jeunesse.