«Mais qui donc est Renée Gagnon?», me suis-je demandé en feuilletant une première fois la programmation du festival d'Avignon il y a quelques mois. Une artiste québécoise dont le nom ne me disait rien, qui ne semble pas particulièrement frayer avec les milieux du théâtre et des arts de la scène à Montréal ni être associée de près ou de loin à Wajdi Mouawad, et que pourtant le festival invitait à présenter son travail dans le cadre d'une série intitulée La 25e heure.
Je me suis donc pointé à la conférence qu'elle donnait au sujet de son Projet McQueen, sorte de dialogue entre théâtre et cinéma autour de la figure de l'acteur américain Steve McQueen, pour y apprendre qu'elle est poète et artiste multimédia, qu'elle a cofondé la revue montréalaise de poésie C'est selon et publié dans plusieurs autres revues, en plus d'avoir écrit deux recueils de poésie dont le dernier, Steve McQueen (mon amoureux), a servi de point de départ au spectacle qu'elle présente ici.
«Je me propose d'être amoureuse de Steve McQueen, dit-elle, de nous construire une vie commune imaginaire à partir d'images de ses films, dans lesquels j'interviens. Je construis un autre Steve McQueen et me demande comment me projeter dans un tel personnage. C'est un récit imaginaire construit avec les traces réelles de l'acteur sur pellicule, mais à travers un point de vue subjectif, une vision fantasmée, très personnelle.»
Intrigant. A minuit, j'ai donc pris place dans une salle agréablement pleine et attendu les premiers mots de Renée Gagnon. Plus qu'une vision fantasmée de l'acteur, la performance propose une réflexion sur la construction de l'identité et la multiplication des images de soi. Sur l'écran, l'acteur change de visage chaque fois que le montage vidéo nous le présente dans un nouvel univers, et il en est de même pour la performeuse devant son micro, se démultipliant d'une manière quasi schyzophrénique pour se coller aux aventures de son homme. L'expérience est circonvolutive, nous promenant rapidement d'une image et d'une idée à l'autre, au moyen d'une narration tronquée, d'une écriture hachurée et saccadée, laquelle laisse au passage des espaces vides, pour que le spectateur s'invente aussi une histoire, se projette à son tour dans les interstices de l'image. Renée Gagnon livre son texte avec rythme, épousant la fluidité du montage vidéo, mais bute hélas sur certains passages, ce qui nuit à la réception et parfois même la compréhension du texte. Elle propose un spectacle au final fort simple, mais stimulant pour l'œil et l'oreille. Quand l'image se double de calligraphie en mouvement, de voix hors champ et de mélodies fredonnées au micro en simultané, c'est particulièrement riche.
Projet McQueen a éte présenté dans divers lieux depuis 2008, à Montréal comme à Marseille et Paris. Il faudra surveiller un prochain passage à Montréal, même si rien de tel ne semble avoir été annoncé pour le moment.
°°Philippe Couture est invité au festival d’Avignon avec le soutien de l’Office franco-québécois pour la jeunesse.
C’est sur ce site que j’avais entendu parlé de Renée Gagnon. C’est par la présentation de Benoit Jutras que j’avais entrepris la lecture de « des fois que je tombe » ( par hasard dans un avion) et que j’avais découvert une poésie « pas facile », qui se mérite mais tout à fait intéressante.
Depuis, « silence radio ». Merci pour cette mise à jour et je surveillerai, avec votre aide, la présentation de « Projet McQueen » à Montréal.