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Avignon 2009: Wajdi à l’heure des bilans

Les codirecteurs artistiques du festival d'Avignon, Vincent Beaudrillier et Hortense Archambault, ont fait hier un premier bilan de la 63e édition du festival d'Avignon, en compagnie de l'artiste associé Wajdi Mouawad.

D'abord, des chiffres. Le taux de fréquentation des salles a atteint les 94%, sur une jauge totale de 133 000 places (soit une estimation de 125 000 billets délivrés). Le public a également été très assidu aux nombreuses conférences et causeries, ce qui est assurément l'un des traits distinctifs du festival. Le public est nombreux et ne se contente pas de seulement recevoir les spectacles, cherchant toujours à prolonger l'expérience et interroger ce qu'ils ont vécu. C'est effectivement très réjouissant.

Les codirecteurs se sont aussi désolé d'avoir dû refuser des places à plusieurs spectateurs. Car Avignon, c'est aussi ça. J'ai moi-même constaté d'étonnantes files d'attente devant les guichets du Cloître des Célestins, où se produisait la troupe de Dave St-Pierre, et ce, plus de cinq heures avant le début du spectacle. Vision quasi-surréaliste. Ces spectateurs sont pour la plupart repartis bredouille.

Et Wajdi Mouawad de dire, émotif, mais d'une voix toujours très posée:

Ce mois de juillet 2009 fera partie des quelques rares moments très très importants de ma vie, puisqu'il aura été le moment pour moi de conclure une aventure qui dure depuis treize ans, depuis l'écriture de Littorals jusqu'à la création de Ciels. C'est d'autant plus agréable et d'autant plus beau qu'au moment où cette aventure a débuté, jamais je n'aurais pu imaginer qu'elle se terminerait de cette manière-là, dans ce festival si bouleversant, si prenant. Le fait que je sois venu au festival en 2009 comme artiste associé pour présenter l'ensemble et la conclusion d'un travail qui m'habite depuis treize ou quatorze ans, ça signifie que le festival est désormais fortement imbriqué au trajet de ma vie et de mon art. Ici, je termine quelque chose, et c'est une chose rare de vraiment terminer quelque chose qui dure depuis si longtemps. Dans cette aventure de conclusion qui aura duré un mois, rien n'aura été banal. Mes 11 heures dans la Cour d'Honneur pour la trilogie, à rôder pendant des heures et des heures en coulisse et les couloirs du Palais, par exemple, auront été toute une expérience. J'allais du versant nord au versant sud, j'entendais les voix des acteurs, je regardais les spectateurs emmitouflés dans leurs couvertures à travers les lanières cachant certaines fenêtres. Je peux dire vraiment que ce sera une image difficile à oublier, c'était absolument saisissant. Vous ne vous imaginez pas l'inquiétude dans laquelle j'étais, je craignais à tout moment que les spectateurs quittent, et de me faire dire vers trois heures qu'il y avait encore une majorité de spectateurs, c'était un moment absolument incroyable. (…) Ensuite, passer directement à Ciels, dans un contexte complètement différent, avec le sentiment que quelque chose s'achève. Mais surtout, tout cela est ponctué de rencontres avec le public, que ce soit en conférence ou dans les rues. Je ne compte pas le nombre de livres qu'on m'a offert dans les rues, le nombre de discussions ponctuelles avec des spectateurs. J'ai été frappé par la tenue et la douceur de tout ça, les gens s'exprimaient avec douceur. (…) Il y a eu beaucoup de commentaires négatifs par rapport à un spectacle, mais même si ces commentaires étaient négatifs, ils n'ont jamais été tenus avec violence, plutôt avec humour et intelligence, et je dirais encore douceur, comme si la douceur pouvait être une position politique, comme si, au festival d'Avignon, alors que ces questions étaient soulevées entre des artistes qui normalement voient leurs pays se taper dessus (ndlr Wajdi fait ici référence aux relations libano-israeliennes et à la présence du cinéaste israëlien Amos Gitai au festival), on pouvait par le biais de la douceur tenir une discussion, tenter de critiquer, d'avancer, de pratiquer une relation avec l'autre.

Bon, le festival n'est pas fini pour autant. A minuit, Wajdi prenait place sur scène pour raconter une histoire qu'il a écrite à partir d'un film muet  de Christelle L'Heureux, projeté sur un écran derrière lui. L'Expérience Préhistorique, c'est le titre de l'exercice, avait déjà été présenté à Montréal en 2007. On y a reconnu les prémisses de Seuls, à travers une histoire de coma et de retour à la vie par des sentiers mémoriels sinueux. Les fanas de Mouawad s'y seront assurément reconnus. Les détails de ce projet théâtro-cinématographique ici.

C'était mon dernier billet concernant le festival IN, qui se termine d'ici deux jours. Demain je vous parle un peu du OFF, qui, lui, se poursuit jusqu'à la fin de la semaine.

 

°°Philippe Couture est invité au festival d’Avignon avec le soutien de l’Office franco-québécois pour la jeunesse.