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L’été c’est fait pour jouer

Sur la planète théâtre, l'été est bel et bien fini. Vous le
constaterez en lisant le prochain numéro de Voir, consacré à la rentrée
culturelle. Mais avant de plonger dans l'effervescence de l'automne, petite
réflexion sur les mutations de la scène estivale.

Entre théâtre d'été et théâtre en été, les frontières sont parfois ténues. Ou plutôt, l'expression théâtre en été, censé désigner des pièces intelligentes et urbaines, mais légères, est devenu très tendance et est
souvent utilisé à toutes les sauces par les théâtres privés. Néanmoins, ça
prouve qu'une transformation est en cours. En entrevue à la fin juin, Chantal
Lamarre
, qui a traduit la pièce estivale du Théâtre de Pointe-des-Cascades, me
disait que des changements s'imposent parce que «le public est de plus en plus exigeant» et que «le succès n'est pas
assuré comme dans les années quatre-vingt.» Elle a sans doute raison. Même si
dans le cas des Cascades, la transformation va dans le sens du drame
cinématographique à l'américaine, qui n'a pas grand-chose à voir avec le «vrai»
théâtre en été à l'européenne que propose, par exemple, le Théâtre Voix d'Accès
à Québec.

Cet été à Montréal, on a eu droit à deux autres types de
proposition. D'abord une petite compagnie, Effet V, a tout bonnement décidé
d'oublier que c'était l'été et a présenté, dans son petit théâtre-labo caché au
fond d'une boutique de boutons du nord de la rue St-Hubert, un assemblage de
courtes pièces pas comiques du tout, misant sur l'esprit curieux de quelques
spectateurs invités à découvrir un auteur français (Luc-François Garnier). Le
spectacle, baptisé Ils ont bu trop de fantômes, avait tout de la production
sans prétention, même du banc d'essai, tant il était présenté sans
artifices et sans filtre. On soupçonne même la compagnie de profiter de son
sympathique petit lieu théâtral pour «tester» son matériel avant de le
soumettre au jugement d'un plus vaste public. Eh ben pourquoi pas ? L'été,
après tout, c'est fait pour jouer. Ça aura du moins été l'occasion de revoir
sur scène la comédienne Lori Hazine Poisson, dont le jeu, je l'ai déjà écrit,
est stupéfiant de netteté et dénué de toutes impuretés. Avis aux intéressés,
Effet V reprend ce spectacle les 4, 5, 11, 12, 18, 19, 25 et 26 septembre à la
boutique-théâtre Rubans Boutons. C'est gratuit (contribution volontaire).

Puis, aux derniers jours de soleil, Les Biches Pensives
(Annie Darisse, Dominique Leclerc (photo), Catherine Dorion et Leila Thibault-Louchem)
ont peut-être inventé avec leur pièce Ça se dit pas une vraie nouvelle formule
gagnante. D'abord, parce qu'elles jouent sur la terrasse du café-bar
de la Cinémathèque, en plein quartier latin, au cœur de l'effervescence
urbaine. Secundo, parce qu'elles jouent en plein-air au lieu de s'enfermer dans
une boîte noire, ce qui modifie sensiblement l'expérience de spectateur et
l'état de jeu des comédiens. Troisièmement, parce qu'elles ont écrit un texte
profondément montréalais et mis en scène, sur le mode dérisoire, les
tribulations d'une génération jeune et branchée qui n'apparaît jamais sur les
scène estivales. Elles ne sont pas de grandes auteures ni de fines dialoguistes,
et je crois bien qu'elles le savent, mais elles ont posé un regard amusé et
acidulé sur leurs contemporains, donnant vie à leurs personnages avec beaucoup
d'énergie et juste ce qu'il faut de caricature. Les plus sceptiques auront été
confondus. Vous pouvez d'ailleurs encore voir cette pièce tous les soirs à 20h
jusqu'à vendredi 4 septembre, ainsi que les lundi 7 et mardi 8 septembre.

Bref, plus ça change moins c'est pareil.