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Rire à tout prix – la suite

Mon dernier billet (à relire ici) a vivement intéressé Fabien Cloutier. S'il n'est pas prêt à affirmer que le rire soit une fuite et une manière d'éviter la réflexion, comme je l'insinuais, il partage en partie mes inquiétudes sur l'anti-intellectualisme québécois. Je vous transmets la réflexion qu'il m'a fait parvenir à ce sujet, pour alimenter la discussion.

Philippe,

Le québécois aime rire, oui. Rit-il trop ? Je ne crois pas. Rit-il pour éviter de voir certaines réalités ? J’ose croire que non.

Qu’un humoriste fasse un humour qui n’a aucun autre but que de faire rire, je n’ai aucun problème avec ça. Il fait de l’humour comme il le veut. L’artiste est libre. Moi, l’émission «Les Gags» de Juste Pour Rire, je trouve ça drôle. Une madame qui fait un saut, un monsieur qui se ramasse en face d’une police weird, ou un passant qui brette en surveillant un faux chien, ça me fait rire. J’écoute ça sans une seule autre intention. Est-ce que je mets ça dans mon agenda pour être sûr de ne pas le manquer ? Non.

Ce qui est désolant, comme je te disais, c’est l’espace qu’on laisse aux autres discours. Soyons clairs, je ne demande pas à l’humoriste de dire: «Invite-moi pas à ton émission, invite Wajdi Mouawad !». On lui offre un espace de parole, il le prend. Je ferais la même chose.

Je ne suis pas certain que l’anti-intellectualisme québécois soit une cause ou un effet de notre désir de rire. On pourrait se lancer dans une longue discussion mais je vais tenter de faire ça court.

Je crois que, bien que la société québécoise ait fait de grands pas au fils des ans, le fameux «né pour un p’tit pain» vivote encore chez plusieurs. Le canadien-français a lui aussi maintenant sa grosse maison, ses beaux complets pis sa tondeuse qui avance tout seul, mais l’intellectualisme, on se dit un peu que ce n’est pas pour nous. Le gars fait de belles phrases et a une pensée précise, c’est un frais-chier. Y’a yinque à parler comme nous aut’s !

On aime donc ça quand quelqu’un parle la «langue du peuple». On aime donc ça quand quelqu’un peut nous donner son point de vue sur les accommodements raisonnables en seulement quinze secondes parce que ça va donner le temps à la fille de météo de pas juste nous dire la température, mais aussi qu’il faut s’habiller chaudement, qu’il faut tousser dans sa manche pis qu’y fait 42 à Puerto Plata. Et si on se questionne pas trop longtemps sur notre immobilisme politique, on pourra faire un éditorial, un débat et recevoir vos commentaire via le web, sur l’humiliante défaite de la sacro-sainte-flanelle pendant une grosse demie-heure et ce, tous les jours.

Alors quand vous venez voir Scotstown, réagissez. Comme vous le voulez, mais réagissez.

Fabien Cloutier