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Denis Bernard et La Licorne nouvelle

En complément de mon article de cette semaine sur La dizaine
des auteurs à La Licorne, je vous offre des bribes supplémentaires d'entretien
avec le directeur artistique Denis Bernard. On y parle des grands rêves qui
l'habitent, de l'avenir de La Licorne et de la configuration du nouveau lieu.

Parathéâtre: À part le montage financier, on ne sait encore
presque rien du projet d'agrandissement et de rénovation. Pouvez-vous nous en
dire plus sur la configuration des lieux?

Denis Bernard: Il est tôt pour dire quoi que ce soit, les
plans sont encore en travail, mais on a plein de beaux rêves que je me fais un
plaisir de partager. La chose la plus importante, c'est de conserver l'intimité
de La Licorne, de ne pas trop modifier le rapport scène/salle privilégié qu'on
a ici. Ne rien sacrifier à l'acoustique et à la rencontre privilégiée qui
s'opère chaque fois entre les acteurs et le public. Ça va rester dans les mêmes
proportions. On sait que ce sera une salle à géométrie variable d'une moyenne
de 180 places, et que la Petite Licorne, selon le même principe, pourra
accueillir en moyenne 90 places (la capacité actuelle est de 60 spectateurs
bien tassés).

Parathéâtre : La Licorne idéale, elle ressemblerait à quoi?

Denis Bernard: La Licorne, c'est l'endroit où tu viens
prendre des nouvelles de toi-même. Je ne veux pas que ce soit une forteresse
culturelle, mais un lieu où ça passe, où l'on entre et sort, où y'a du
mouvement. J'imagine de grandes portes coulissantes pour qu'on puisse être rapidement
sur le trottoir, s'inscrire dans le quartier. Il faut se départir de ce
corridor à l'entrée qui expulse les spectateurs comme dans un entonnoir à la
sortie des spectacles. Il faut que le hall d'entrée soit grand et convivial,
qu'il attire une certaine faune urbaine, et pourquoi pas un lieu dans lequel on
pourrait bouquiner ou consulter des documents? Je ne sais pas, mais j'y
pense.  Je n'ai toutefois pas envie
que ce soit un lieu branché; La Licorne a toujours été un lieu d'une grande
simplicité. Chaleureux, convivial, mais pas branché. Surtout pas.

Parathéâtre: À quoi ce nouveau lieu vous fait-il rêver en
tant que directeur artistique?

Denis Bernard: Mon babillard est rempli de projets, je suis
au stade de l'envie et du désir, et il n'est pas question que je boude ce
plaisir-là pour l'instant. Ces temps-ci je dévore tout ce qui me passe par la
main, je vais voir du théâtre, j'en lis, j'en discute. Je lis du mauvais comme
du bon, je vais voir des shows à Québec et même à Saskatoon. La saison prochaine
est déjà construite, elle sera aussi partiellement en itinérance, mais le plus
excitant c'est qu'on a pu construire cette saison-là en imaginant la saison
2011-2012, qui est très excitante parce qu'elle sera celle du nouveau
lieu. Comme les deux salles seront indépendantes l'unes de l'autre, elles pourront
toujours accueillir des spectacles en même temps. On parle donc d'un meilleur
accès pour les jeunes compagnies indépendantes à la Petite Licorne, assurément.

Parathéâtre: Y-a-t-il dans l'air des projets de grande
envergure dont vous auriez envie de nous parler?

Denis Bernard: On va continuer à travailler avec le
Traveler's Theatre d'Edimbourg, avec qui on développe un partenariat depuis
plusieurs années, qui nous a permis de traduire et monter des auteurs anglais,
irlandais et écossais. On ne sait jamais, on pourrait songer à une véritable
coproduction un jour, ou à un échange de spectacles. Ça peut prendre plusieurs
formes, mais en ce moment je rêve de faire avancer la relation qu'on a
développée avec eux. Le nouveau lieu me donne envie d'y croire. Il faut rêver.

Parathéâtre: On vous sent soucieux de poursuivre le travail
enclenché par votre prédécesseur Jean-Denis Leduc, de vous inscrire dans la
route qu'il a tracée. En quoi les prochaines saisons porteront votre griffe?

Denis Bernard: Je voudrais qu'on s'éloigne un peu des solos
avec des personnages trash la seringue dans le bras qui nous racontent leurs
déboires. Il y a eu de magnifiques spectacles sur ce modèle-là ici, mais je
pense qu'on gagnerait à ailler ailleurs. Le caractère direct et frontal des
spectacles de La Licorne m'intéresse toujours, mais je voudrais briser un peu
ça pour favoriser des projets qui proposent une théâtralité différente,
d'allier le coup de poing à la poésie, si on veut.