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Mon Top 10 Théâtre 2009

Dans le numéro à paraître de Voir  (jeudi 24 décembre 2009), vous pourrez lire le Top 5 de l'année de mon collègue Christian St-Pierre. Je ne voulais pas être en reste, et comme j'adore les listes et les palmarès, je vous offre moi aussi ma sélection. C'est un TOP 10 dans mon cas, car à refeuilleter les programmes de soirée que j'ai accumulés pendant l'année, j'ai bien dû constater que je garde d'heureux souvenirs de plusieurs productions de l'hiver et du printemps dernier. Bon, l'automne n'a pas été génial, mais vaut mieux l'oublier sans en garder rancune et attendre janvier le cœur rempli d'espoir. En 2009, cela dit, pas de très grands chocs, mais beaucoup de variété et de pertinence.

 

MON TOP 10 THÉÂTRE EN 2009 À MONTRÉAL

 

1. LE PILLOWMAN (Denis Bernard – Théâtre de la Manufacture – en janvier à La Licorne)

Un fascinant texte de Martin McDonagh qui, à travers des récits superposés et des dialogues de haute tension, expose la violence sourde de l'humain et questionne la responsabilité sociale de l'artiste. Denis Bernard en proposait une mise en scène très précise, délaissant peu à peu le réalisme au profit d'un climat plus horrifiant, marionnettique et théâtral, et bousculant le spectateur entre les émotions les plus contradictoires. Interprétation magistrale de Frédéric Blanchette en simple d'esprit.

 

2. EX-AEQO LE COMPLEXE DE THÉNARDIER (en janvier à l'Espace Go) et UNE FÊTE POUR BORIS (en mai dans le cadre du FTA) – (Denis Marleau – Théatre Ubu)

On ne se lasse pas du travail de Denis Marleau. Dans ces deux spectacles, il met encore une fois à l'œuvre sa vision symboliste du théâtre, au moyen d'une parole musicale qui donne accès à toutes les couches de sens des textes qu'il aborde et à leurs indéniables qualités sonores. Dans Le Complexe de Thénardier, le dramaturge béninois José Pliya met en dialogue des forces opposées d'une manière à la fois subtile et fracassante. On aime aussi parce que la grande Christiane Pasquier, précise et imposante comme toujours, force l'admiration béate. Le troisième acte d'Une fête pour Boris nous ramène ses hypnotiques projections de visages animés sur masques, dans une véritable fête technologique qu'on n'oubliera pas de sitôt.

 

3. L'AFFICHE (Philippe Ducros – Hotel Motel – en décembre à l'Espace Libre)

Je ne reviendrai pas longuement sur ce spectacle qui vient tout juste de prendre fin, mais répétons qu'il fait bon assister à du vrai théâtre politique, engagé, intelligent, nuancé et sans compromis. Ça aura donné lieu à de passionnantes discussions sur ce blogue. En plus, Ducros a le sens de l'espace et sait créer des images fortes avec un minimum d'accessoires à l'usage toujours renouvelé.

 

4. ANKY OU LA FUITE (Christian Lapointe – Théâtre Péril – en février au Théâtre d'Aujourd'hui)

Je suis assez fan du travail de Christian Lapointe, ce n'est pas un secret. Anky ou la fuite est son spectacle le plus radical à ce jour, mais aussi sans doute le plus dense, le plus absolu et le plus ouvert. J'écrivais dans ma critique que «plus que jamais dans son œuvre, Lapointe cherche à diminuer la présence de l'acteur pour en conserver le pouvoir brut des mots et de la pensée.» Une démarche tout à fait unique dans notre horizon théâtral.

 

5. WOYZECK (Brigitte Haentjens – Sybillines – en mars à l'Usine C)

Controversé, ce Woyzeck, qui n'a pas fait l'unanimité. Mais j'y ai apprécié la transposition dans une sorte de Québec obscurantiste et profondément ouvrier, un peu décalé, où l'aliénation sociale de Woyzeck prend tout son sens. Peut-être y avait-il des choix un peu aléatoires dans la mise en scène, surtout le choix des chansons, dont la pertinence reste à démontrer. Mais l'œuvre mythique de Büchner y était vivement interrogée. J'aime.

 

6. SAUCE BRUNE (Simon Boudreault – Simionaques Théâtre – en mars à l'Espace Libre)

L'aliénation est aussi le terrain de jeu de Simon Boudreault, qui a inventé une langue jouissive, libératrice et profondément révélatrice, mais pourtant remplie d'insuffisances et de trous béants. Ignorance, vulgarité et cruauté quotidienne sont dévoilées sans filtre, mais pourtant avec tendresse et respect. Frappant et pertinent. Jeu de haute voltige de Johanne Fontaine.

 

7. LES PIEDS DES ANGES (Evelyne de la Chenelière et Alice Ronfard – en avril à l'Espace Go)

Tout le monde n'a pas aimé ce spectacle très verbeux, mais je trouve tout à fait mon compte dans la prose lucide d'Evelyne de la Chenelière et dans son regard à la fois attendri et exigent sur le monde, ouvert sur de nombreux référents. J'ai écrit qu'«à la structure spatiotemporelle éclatée de la pièce, la metteure en scène Alice Ronfard répond par une grande maîtrise de l'espace, des éclairages magnifiquement découpés et une orchestration fluide et naturelle du mouvement.» Voilà.

 

8. CHAMBRE(S)  (Eric Jean – en décembre au Quat'sous)

C'était quelque chose comme un concert théâtral, un tissage de fragments d'âmes sur fond sonore éclaté, un croisement de vérités et de mensonges dans une forme faussement impudique. Par moments un peu trop narcissique, et peut-être légèrement complaisant, mais très riche dans cette manière de brouiller les frontières entre fiction et réalité, tout en s'inscrivant dans un système de références cinématographiques et théâtrales. Quand Sylvie Drapeau lie son histoire à celle de l'actrice américaine Gena Rowlands (dans le film Opening night de John Cassavetes), le bricolage est des plus solides.

 

9. CHRONIQUES (Emmanuel Schwartz – Ab Carré Cé Carré – en septembre à La Chapelle)

Il y avait des maladresses dans ce spectacle créé dans l'urgence, comme dans les textes d'Emmanuel Schwartz qui s'égarent parfois dans toutes les directions. Mais son écriture touffue, digressive et brutale est d'une indéniable poésie et d'une urbanité saisissante. Surtout, le metteur en scène Jérémie Niel, qui orchestrait la dernière des trois pièces de ce spectacle, a su y trouver sa place et faire respirer le texte, le donnant à voir et à entendre avec la précision qu'on lui connaît, en projetant les situations sur différentes échelles, dans une discrète esthétique cinématographique. Ce qui facilite et encourage la mise en perspective.

 

10. SEXY BÉTON 1 et 2 (Annabel Soutar – Porte-Parole – en octobre et novembre au Centre Segal)

Du théâtre documentaire qui arrive à point dans le contexte de corruption municipale dévoilé cette année. Annabel Soutar est une chercheure, une enquêteuse acharnée qui révèle dans sa série de spectacles des informations inédites et pour le moins dérangeantes sur l'effondrement du viaduc de la Concorde et la commission d'enquête qui l'a suivi. L'intérêt de sa démarche repose aussi sur la manière dont elle met en scène ses propres questionnements et réflexions sur le sujet, par le truchement de discussions entre deux acteurs jouant les documentaristes en plein travail. C'est classique, mais c'est du théâtre franchement utile.

 

Que pensez-vous de ma liste ? D'accord ou non avec mes choix ? Ne vous gênez pas pour soumettre votre propre palmarès. On en discutera. Oh, et JOYEUX NOËL !