Toujours avide d'improvisation, j'ai voulu vivre ce
vendredi l'expérience Cinplass. Deux heures d'improvisation sans filets, sans
thèmes, sans règles, sans contraintes. Improviser en toute liberté, se
permettre toutes les expérimentations, attrapper les idées qui passent et
vibrer au rythme de l'instant: ce sont les objectifs que semblent s'être donnés
les six courageux improvisateurs de Cinplass (Antoine Vézina, Guillaume C.
Lemée, Edith Cochrane, Frédéric Barbusci, Louis-Martin Guay et Anaïs Favron).
Ils appellent ça du théâtre spontané. Cette année, ils squattent les décors des
pièces présentées à l'Espace Libre. Je les ai vus dans celui de L'Amour
Incurable, esssentiellement trois tables de bois à déplacer et à réinventer
sans limites. Faut que je confesse que je suis parti à l'entracte. Pas parce
que c'était ennuyant, surtout parce que j'étais épuisé et que mes
lourdes paupières ne cessaient de tomber. Ce n'était peut-être pas non plus
leur meilleur soir. Quelques impros très étranges, un léger manque d'écoute par
moments, ainsi que des tentatives avortées. Mais j'apprécie la haute prise de
risques que cela constitue. Cinplass est une expérience authentique,
nécessaire: une forme d'improvisation brute qui ne cherche pas artificiellement
à séduire. Il est remarquable que l'improvisation, invention québécoise de
Robert Gravel, en soit déjà arrivée à une telle maturité, que ceux qui la
pratiquent soient enfin capables de la questionner et de la réinventer, que le
poids de sa tradition ne soit pas assez écrasant pour bloquer les tentatives
d'émancipation. C'est à voir un jour ou l'autre. Ils squattent encore
l'Espace Libre jusqu'à la fin mars. Vous pouvez les voir le 26 février dans le
décor de Silence Radio et le 19 mars dans celui de l'Énéide.
Pour poursuivre ma quête, qui consiste, je vous le
rappelle, à retrouver dans l'impro le souffle du hockey et me rapprocher de la
passion de mes concitoyens québécois, j'aurais peut-être dû aller plutôt au
Panel de la Ste-Flanelle. Au Belmont, une fois par mois, des improvisateurs jouent
les commentateurs sportifs, devant les écrans géants diffusant un match des
Canadiens. J'ai demandé à Mira Moisan, improvisatrice de la LIM, de me raconter
un peu le Panel du weekend dernier, histoire de me donner envie d'y assister la
prochaine fois. Voici ce qu'elle a à vous dire :
Je suis une nouvelle convertie au hockey, pas encore une vraie fan, mais
pas totalement désintéressée non plus. Je ne regarde pas tous les matchs, ne
lis pas les nouvelles du sport et ce que je connais du hockey, c'est ce que mes
amis m'en ont dit. C'est donc plus en improvisatrice que je me suis rendue ce
samedi au Panel de la Sainte-Flanelle et, à ma grande surprise, me suis laissée
prendre au jeu. Le Panel, ce sont des mordus
du hockey qui font un spectacle plutôt inclassable. En plus des commentaires
sportifs, toutes les publicités sont faites maison, tournées à l'avance. Le
spectacle est appuyé par des moyens techniques surprenants pour une si petite
salle: 3 caméras filment en simultané commentateurs, analystes et sketchs et le
tout nous est retransmis en direct sur les écrans. Si certains moments tombent parfois à plat – ça reste tout de même de
l'improvisation – et que le manque de moyens au niveau des décors et costumes
se fait sentir, on y passe somme toute un très agréable moment. À la demande
des analystes, on se laisse entraîner à entonner un hymne bidon et crier des
obscénités à l'équipe adverse (très libérateur). Une partie de hockey, c'est
long, mais fort heureusement, les improvisateurs (Kim Lavack-Paquin, Charles-Alexandre Quesnel et Remi Montesinos) sont talentueux et arrivent
non seulement à décrire la partie mais à y ajouter humour et statistiques en tous genres . L'un d'entre eux manie d'ailleurs les perronnismes avec une aisance
déconcertante. À cela s'ajoutent les cris stridents et les délires de Candy
(Johanne Lapierre), commentatrice nunuche aux cheveux crêpés à outrance avec
qui le spectateur développe une réelle relation d'amour-haine. Elle est drôle,
mais on n'en peut plus de l'entendre! La soirée se termine par un faux documentaire
sur le centenaire du Canadien, une intrigue qui s'étendra sur plusieurs
semaines. À suivre. Si je n'en suis pas sortie plus fan de hockey, j'en suis
sortie fan du Panel. Ça se passe tous les premiers mardis du mois au Belmont
sur le Boulevard.
Vous pouvez aussi lire ici le court article de ma collègue Emilie Perreault dans Voir le 18 janvier dernier. Et visionner cet épisode de Mange Ta Ville dans lequel on parle du Panel. Et vous joindre au groupe facebook.