Le Théâtre Aux Ecuries gagnait hier (23 mars) le tout premier prix de
la relève du Conseil des Arts de Montréal, accompagné d'une bourse de 5000$. Permettez-moi
de les féliciter. Et de réfléchir un peu, par le fait même, à la place qu'occupe
désormais ce théâtre dans notre paysage.
Ils n'en sont qu'à leur deuxième année d'activité, alors il
est trop tôt pour dire si la relève qui s'y affirme va modifier le paysage du
théâtre québécois et faire naître de nouvelles formes et de nouveaux propos. N'exigeons
rien de moins, c'est le devoir d'une relève digne de ce nom . Ce qui est
certain, c'est que des compagnies déjà bien implantées comme le Théâtre de la
Pire Espèce, le Théâtre I.N.K (Marilyn Perreault et Annie Ranger) ou l'Activité
(Olivier Choinière) s'y sont donné les structures de création qui leur permettront
d'évoluer. Après des années de misère, ils le méritent bien. On ne sait pas
encore trop dans quelle mesure ils vont graduellement laisser de la place à des
plus jeunes qu'eux. Cette année, on y a fait entrer le Théâtre de la Marée
Haute avec la pièce Kick, d'Étienne Lepage, et on y verra bientôt Le Théâtre
Qui va Là (Justin Laramée et cie), avec son spectacle La Fugue, ainsi que Les
Berbères Mémères, avec Deliriüm. Cela dit, encore beaucoup de jeunes compagnies,
certaines très intéressantes, d'autres moins, sont forcées de jouer dans les
salles ingrates que sont La Petite Licorne (qui sera heureusement rénovée bientôt), l'espace 4001 (anciennement Espace Geordie), le Théâtre de l'Esquisse et
le Théâtre de la Risée. Les Écuries ne
se doivent pas d'accueillir toutes ces jeunes compagnies, mais je suis confiant que certaines d'entre
elles y trouveront bientôt refuge.
Ce qu'il faudrait
éviter, c'est que Les Écuries deviennent un «garage» pour une tonne de jeunes
artistes qui ne s'y retrouveraient que parce qu'ils sont jeunes, sans trop d'égard
à leur propos et leur démarche. Heureusement, quand je parle avec les initiateurs
des Ecuries, ou quand ils s'expriment sur ce blogue, comme le fait régulièrement
le directeur administratif David Lavoie, je constate que leurs intentions sont bien
plus nobles et bien plus courageuses. C'est précisément pour ça qu'ils méritent
ce prix. Pas seulement pour leur «entrepreneurship» et leur capacité à «se
rassembler et à partager leurs ressources», ce que le conseil des arts de
Montréal semble particulièrement apprécier d'eux (!!). Autrement dit: bravo,
vous avez montré qu'il fallait d'abord se débrouiller sans trop de subventions
pendant de nombreuses années dans la misère et le bénévolat avant d'obtenir
enfin une petite reconnaissance. Admirable, ces jeunes artistes, certes, mais
notre société doit-elle vraiment se féliciter de ne pas les avoir soutenus
avant, pour mieux leur permettre de partager leurs maigres ressources ?? Je
suis cynique, pardonnez-moi.
Disons que je préfère me réjouir de la vision artistique qui semble animer
les fondateurs des Écuries, que je souhaite d'ailleurs voir s'exprimer de manière
plus soutenue. Je suis rassuré quand je lis Olivier Choinière affirmant qu'«Aux
Écuries, ce n'est pas tout à fait un théâtre comme les autres. […] C'est un
drôle d'animal qui est également un centre de recherche et de création et qui
souhaite fournir, à ses compagnies résidentes comme aux compagnies qu'il
accueille, les outils, la structure, le foin et la monture, bref tout ce qui
vient avant la traversée du fil d'arrivée de la première.» Je suis également rassuré
quand je lis David Lavoie parler du risque artistique. «Vivement que le public
aille se faire une idée de ce qu'il aime des Arts, en acceptant le risque
d'être déçu, bouleversé ou heureux de son expérience.» Ou encore, lorsqu'il dit
qu'il «faut redonner un sens noble au rôle de l'artiste dans la société. Plus
près de son intégrité que du divertissement. Plus près de l'Art que de
l'Industrie.» Lavoie dit aussi qu'il croit que «ce nouveau théâtre saura être
un lieu inspirant, où artistes et concitoyens auront envie de s'enraciner,
avant, pendant et après les spectacles.» Souhaitons-le.
Chers amis des Écuries, je vous félicite et vous encourage à poursuivre
votre honorable mission. En vous gardant à l'œil, bien sûr.
Et je joins ma voix à la vôtre, Monsieur Couture, pour féliciter ces artistes fondateurs qui ont su préserver l’espoir, maintenir le focus et vaincre les nombreux obstacles pour mener à bien ce projet, malgré quatre années d’embuches et un contexte économique des plus moroses.
Mentionnons qu’à cette reconnaissance du Conseil des arts de Montréal s’ajoute l’octroi récent d’une subvention de 3,5 millions qui permettra Aux Écuries de s’établir dans un lieu qui leur sera propre, et qui permettra de répondre spécifiquement aux nombreux besoins de ce magnifique projet.
Longue vie Aux Écuries !
Je suis vraiment contente que tous les efforts mis en oeuvre par l’équipe des Écuries porte finalement fruit. Un bravo sincère à tout le monde 😉
Merci pour ces bons mots.
Permettez-moi d’ajouter ceci : ce qui est épatant, à mon avis, dans le projet des Écuries, c’est que son caractère collectif constitue sa principale force motrice. Ne serait-ce que pour cet esprit d’équipe remarquable – que nous cultivons forcément en relevant chacun des (nombreux) défis qui se posent à nous -, ce projet m’apparaît nécessaire en cette époque. Aussi, recevoir un prix de la Caisse de la culture Desjardins – partie prenante du mouvement coopératif – est plein de sens! Nous n’en sommes que plus fiers.