États généraux de l'improvisation théâtrale. École supérieure
de théâtre de l'UQAM. Vendredi 26 mars 2010. Jour 2.
Au Québec, pour toutes sortes de raisons, le jeu d'acteur
est souvent uniforme et très peu remis en question. L'intérêt des États
généraux de l'improvisation théâtrale qui se tiennent en ce moment à Montréal
grâce à la collaboration de la LNI et de l'école supérieure de théâtre de
l'UQAM, c'est justement qu'on y réfléchit à la manière dont l'impro peut servir
de champ d'expérimentation pour l'acteur. Ce matin, en conférence, l'homme de
théâtre Alain Knapp exposait sa vision du jeu, dans laquelle «il faut refuser
l'à-priori et la grimace préalable, refuser tout ce qui est antérieur à l'action
elle-même. Il faut partir du verbe pour créer le sentiment, pas le contraire. Ne pas se mettre dans le
sentiment pour ensuite y plaquer les mots de l'auteur. Ce qui se passe la
plupart du temps est tout autre. La plupart des comédiens arrivent sur scène et
pensent qu'à partir de là l'identité du personnage est acquise et qu'il suffit
de la mettre en jeu. Ce type de jeu est totalement sans intérêt.»
Pragmatique, amoureux de l'instant fugace, de la «naïveté de l'acteur»
et de la «débanalisation du langage», Knapp croit que «le personnage de théâtre
s'invente à l'instant même où il se produit sur scène. Il échappe à la
psychanalyse, car il est toujours dans l'instant de la parole. Ainsi il ne
censure pas sa parole, il dit tout de lui-même. Chaque mot, chaque phrase,
chaque intention est l'émanation d'un processus de création d'identité du
personnage. Le personnage qui reçoit la parole de l'autre personnage ne doit
jamais lui répondre. Il doit prendre la parole de l'autre pour se constituer
lui-même comme personnage. Chaque mot est un matériau de création identitaire.»
J'ai vu dans cette salle des acteurs très inspirés par la
vision de Knapp. Très rafraîchissant, en effet, cette idée d'un jeu absolument
pas psychologique, qui ne s'appuie pas non plus sur le sentiment ou l'émotion,
ni sur les codes sociaux ou la technique vocale , mais bien sur l'irrationnel,
la disponibilité et la sérénité de l'acteur. Chez nous, le metteur en scène Eric
Jean travaille cela à sa manière. Mais jamais en s'appuyant sur un texte
dramatique précédémment écrit, comme le propose Alain Knapp, qui a allègrement cité
ce matin des auteurs comme Brecht, Beckett et Thomas Bernhardt.
A méditer.