Parfois, j'ai l'impression que le théâtre fait du bruit dans la Cité. Mais je me trompe sûrement. C'est l'effet marketing, sans doute, qui me fait croire que le théâtre résonne plus loin que dans ses propres quartiers. Car en dehors de la presse traditionnelle, le théâtre me semble parfois quasi inexistant.
Prenez le magazine OVNI, superbe revue publiée depuis peu par les éditions Le Quartanier. Sous-titré "Littérature-Art-Cinéma" le magazine propose des entrevues fouillées, des chroniques allumées et des critiques intelligentes et sans compromis sur la littérature, l'art visuel et le cinéma. On n'y parle presque jamais de théâtre, encore moins de danse. C'est un parti-pris de la rédaction, que je ne condamne pas, mais je me demande si le théâtre est à ce point ringard et bourgeois, s'il mérite vraiment d'être exclu de l'horizon culturel de l'équipe d'OVNI ?
Les magazines urbains Nightlife et Bang Bang ne parlent de théâtre que de façon timide. Même si certaines de nos scènes sont très conservatrices, il existe des tonnes d'artistes de théâtre que le lectorat de ces deux magazines pourrait apprécier.
Il est ahurissant de constater qu'en dehors de Montréal, les blogueurs s'intéressent beaucoup au théâtre, alors qu'à Montréal, c'est presque le néant. Non que je tienne particulièrement à lire du "gazouillis" insignifiant sur le théâtre, mais je suis persuadé que certains blogueurs pourraient alimenter la blogosphère d'une parole pertinente sur le théâtre. À Québec, par exemple, le comédien Hugues Frenette tient un carnet dans lequel il commente les processus de création dans lesquels il s'engage et où il lance parfois des discussions sur les politiques culturelles. Toujours dans la Capitale, certains blogueurs s'essaient à la critique, comme Culturils ou Burp et Epicure. Au Saguenay, région pourtant théâtralement limitée (en quantité de productions), il existe au moins deux blogues sur le théâtre, animés par des artistes soucieux d'entrer en dialogue avec le monde, de partager réflexions, critiques et références. Dario Larouche sévit sur la toile depuis 2007, alors que Mike the Mike vient de se lancer dans la mêlée. À cela s'ajoute le blogue de l'ex-journaliste du journal Le Quotidien, Christiane Laforge.
Et à Montréal ? Que des blogues promotionnels, celui du Théâtre PAP par exemple, ou d'autres plus temporaires, comme celui que vient de mettre en ligne le Festival du Jamais Lu. Outre cela, on peut lire les initiatives critiques d'Yves Rousseau, qui rend compte à sa manière de nombreux spectacles de la relève sur son blogue Le Quatrième. C'est à peu près tout. Il y a bien la comédienne Véronick Raymond, qui propose un blogue très personnel où elle fait d'ailleurs souvent la promotion de ses projets, et puis quelques blogueurs qui font des percées très occasionnelles dans le théâtre, et de façon bien légère, mentionnons Chez Nadia, Ma mère était hipster, Côté Blogue.ca ou des webzines commes pieuvre.ca ou le tout nouveau nomag.
En entrevue avec mon collègue Christian Saint-Pierre récemment, André Brassard disait qu'il avait déjà eu envie de faire de la critique. "De faire un blogue où je parlerais des spectacles que j'ai vus
et pourquoi ça m'a plu ou pas. Mais je me suis dit que ce n'était pas fair.
Disons que je suis très vif à porter des jugements péremptoires."
N'empêche, ça ferait du bien, un blogue de ce genre. Qu'en pensez-vous ?
Monsieur Couture, le gazon est toujours plus vert dans la cour du voisin. Vous faites le tour des blogues consacrés au théâtre, ici au Québec, en oubliant de citer le blogue essentiel : le Voir.ca. Ce site nous offre une plateforme qui peut faire l’envie des autres blogues que vous avez cités. Combien de ces blogues sont assez diversifiés pour offrir ce que nous offre le site du Voir? Quand André Brassard affirme «…de faire un blogue où je parlerais des spectacles que j’ai vus et pourquoi ça m’a plu ou pas…» ne pense-t-il pas à faire ce que j’ai fait en tant que membre du Voir, depuis des années? J’accorde aux lecteurs de toutes ces commentaires, cette capacité de jugement critique qui leur permettront d’en tirer les informations qu’ils trouveront pertinentes.
En ce qui me concerne, écrire des textes sur le théâtre, la danse, la musique, les expositions, les livres, le cinéma, les restaurants, la société, etc., tout en bloguant avec l’équipe du Voir, me comble d’aise. C’est quand même quelque chose que le journal Voir, soit diffusé autant sur l’internet que sur mon téléviseur. On roule en Cadillac avec le Voir et le fait de prendre pour acquis l’ensemble du travail des membres et des journalistes, formant l’équipe du Voir, a comme conséquence de chercher ailleurs.
Monsieur Parisien, oui, bien sûr, il s’écrit beaucoup de choses sur le théâtre sur notre site web, mais je voulais surtout parler ici d’initiatives extérieures..
D’ailleurs, on me dit qu’à Québec, le metteur en scène Frédéric Dubois blogue maintenant aussi sur http://etautresdelires.blogspot.com/. Ça risque d’être intéressant à suivre, connaissant la capacité d’indignation de Frédéric Dubois, qui ne se limitera sûrement pas à parler de création et n’hésitera sûrement pas à discuter politique à l’occasion.
Merci Philippe de faire mention de notre blogue dans ce billet. En fait, au début de Culturils, le blogue était concentré principalement sur la musique (disques et spectacles), mais grâce à la confiance que certains diffuseurs (théâtre, littératurre, musique, etc.) nous ont accordé, notre blogue s’est ouvert sur différents aspects de notre culture, tel le théâtre. Un merci particulier au Périscope !
Tu as bien raison Philippe : la blogosphère culturelle spécialisée manque cruellement de diversité à Montréal. Heureusement, plusieurs blogueurs « généraux » parlent à l’occasion de théâtre. C’est juste plus difficile de les trouver via les moteurs de recherche traditionnels parce qu’il ne s’agit pas de leur sujet principal (donc ces articles sont probablement moins lus en dehors de leurs réseaux de blogueurs). Et que les mots clefs « théâtre » et « montréal », même sur Google Blogs, ramènent à tout sauf à ces petites initiatives. Bref, c’est encore une niche inoccupée!
Chère Bianka, tu dis les choses très clairement. Je t’invite d’ailleurs à nous indiquer les autres blogueurs généralistes que tu connais et qui parlent à l’occasion d’arts de la scène. Car plusieurs ont échappé à ma vigileance, je n’en doute pas.
Formidable coïncidence, au moment où je publiais ce billet, le Théâtre PAP lançait sur son blogue un appel à tous pour la refonte de son site web et de son blogue, demandant à ses lecteurs ce qu’ils ont envie d’y voir et d’y lire. Je leur ai écrit ceci:
« Salut Théâtre PAP
Moi, plutôt que de me taper des millions de photos de vos répétitions et de vidéos promotionnels, j’aimerais bien lire sur ce qui vous anime, ce qui vous indigne, ce que vous pensez du monde qui vous entoure, sur les questions et les doutes qui vous terrassent quand vous cherchez à prendre parole. Je voudrais vous voir réagir à l’actualité culturelle ou à l’actualité tout court, ou lire sur vos découvertes artistiques, vos références, bref sur tout ce qui constitue l’arrière-plan réflexif de vos créations. Des textes sentis, authentiques, qui dépasseraient les préoccupations concrètes de vos productions pour pénétrer dans leurs profondeurs et leurs déviations naturelles. Je sais que vous en êtes capables.
Bien hâte de vous lire. »
Je vous invite fortement à aller leur écrire un petit mot. Ça se passe ici: http://www.theatrepap.com/blogue2/reflexions-internautiques/
Merci pour les nouveaux liens.
Une autre blogueuse généraliste (qui gazouille théâtre plus souvent qu’autrement)
http://www.envapements.blogspot.com
Je suis extrêmement heureuse que ce sujet soit soulevé. En tant qu’aspirante blogueuse depuis quelques semaines à peine, ma motivation première était de publier du matériel lié au théâtre et à l’interprétation exclusivement, comme l’illustrent mes premiers textes. Et puis j’ai eu peur que ça n’intéresse personne. Vraiment. Je me demande souvent si le théâtre est encore essentiel dans la Cité. Alors mes petits fragments de réflexion sur la chose, bof… Étonnamment, j’ai plus de visiteurs si je parle de ménage que de théâtre. C’est vous dire.
Mais comme je suis un peu entêtée, j’ai tout de même décidé il y a quelques temps de revenir à mon idée première et de documenter sur mon blogue le processus de création de mon spectacle de juin prochain. J’ai l’intention de publier plusieurs voix, pas seulement la mienne, et j’ai déjà demandé à des personnes extérieures au projet de contribuer. La première répétition avec toute l’équipe est mercredi soir. Les textes suivront régulièrement ensuite. Du moins c’est le plan! Je ne sais pas si ça apportera quelque chose à autrui, mais je crois que ça contribuera à notre recherche et à nos explorations. À la mienne assurément.
J’aimerais beaucoup que le théâtre sorte de ses quatre murs, qu’il investisse l’espace virtuel dans sa pratique autant que dans son analyse. Ce serait génial que des praticiens, des théoriciens et des spectateurs dialoguent devant nous, en dehors des revues spécialisées et en s’éloignant du discours j’aime-j’aime-pas. Et sans parler de sémiologie ou de poïétique. Je suis comme ça, je suis affamée et le buffet me semble bien maigre. Mais je ne désespère pas : vous contribuez à mettre la table, on trouvera bien de quoi se sustenter.
Répondre au dernier commentaire me donne l’occasion de m’inscrire ici…
Oui, je fais partie d’une région éloignée, «région pourtant théâtralement limitée (en quantité de productions)» comme dirait l’autre (et ce point pourrait être discuté… car proportionnellement parlant, nous n’avons pas à rougir de la métropole ou de la capitale…) et je tiens quotidiennement (ou presque!) un blogue spécifiquement théâtral… Moi aussi je doute parfois de l’intérêt d’un tel exercice mais, au fond, peut-être le fais-je par narcissisme exarcerbé (avec mes notes de création, mes critiques, mes théories, etc) et, ô surprise, entre la crise forestière et les tribulations de Rio Tinto Alcan, entre l’indifférence généralisée du peuple et la démagogie d’un maire tout-puissant, on me lit.
Oui, je doute et chaque jour je me propose d’arrêter. Puis je reviens sur ma décision. Et si le blogue permettait réellement d’échanger? Et si le blogue devenait réellement un espace d’ébullition intellectuelle et/ou artistique? Et si… Et si… Est-ce que cela apporte quelque chose à la société? Pourquoi pas…