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4e round Choinière et la critique

Voici le quatrième morceau de mon échange sur la critique avec Olivier Choinière. Je prends mon tour de parole pour discuter de la réalité des pigistes et aborder la question de la diffusion et du développement de public.

Cher Olivier,

Plus nous discutons et plus nous sommes sur la même longueur d'ondes.
Tes propos recoupent drôlement ceux que j'ai tenus récemment dans un billet
intitulé «Le marketing tue le théâtre», ou même dans ma dénonciation de la
frilosité de la relève théâtrale montréalaise il y a quelques jours.

Chaque fois qu'il est question de critique sur ce blogue, on finit aussi
par évoquer les conditions de travail des pigistes, qui les forcent à multiplier
les activités sans être payés, et à écrire des textes de plus en plus courts et
de moins en moins rénumérés tout en fournissant la même quantité de travail.
C'est du moins ce que font les plus consciencieux et les plus rigoureux. Les
autres deviennent paresseux, se disant que le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Je vis, comme tous les pigistes, ce genre de situation, et si je continue à alimenter ce blogue presque quotidiennement, c'est par passion et parce que je sens qu'un
nouvel espace critique s'y dessine peu à peu. J'y jouis d'une grande liberté et ne me soucie guère des lois de la rentabilité et de la
publicité. Dommage, quand même, que cette liberté disparaisse peu à peu de la
presse traditionnelle, où des gens compétents pourraient être payés en bonne et
dûe forme pour l'exercer.

Nous sommes aussi d'accord sur l'idée que «la société profondément anti-intellectuelle dans
laquelle supposément nous vivons est d'abord la société anti-intellectuelle que
nous créons, à la télévision, dans les journaux ET dans les théâtres». Tu fais
référence ici à ma réponse à ta lettre d'amour de l'an dernier, où
j'évoquais les difficultés de faire une critique sérieuse dans une société
anti-intellectuelle comme la nôtre. Oui, il est vrai qu'il n'en tient qu'à
nous, critiques, artistes, et citoyens, à lutter contre le nivellement par le
bas pour que les choses changent, et à proposer à nos lecteurs ou à nos
spectateurs une nourriture plus riche:

Ça me donne envie de te
parler de la problématique de la diffusion du théâtre et du «développement de
public». Chaque fois que j'entends un diffuseur ou un directeur artistique
parler de développement de public, je me dis qu'il fait erreur et que son désir
de remplir ses salles a remplacé son désir de favoriser la création libre et
intelligente. Rien de plus normal dans le contexte de sous-financement de la
culture qui est le nôtre, alors que certains théâtres peinent à payer leurs
factures d'électricité. À terme, cela dit, l'obsession du développement de
public peut inciter les artistes à créer des œuvres consensuelles, uniformes et
bêtes, dans le but de s'adresser à un public X, en l'occurrence la «madame de
la rue Panet» dont tu me parles.

Or, il faut bien que
quelqu'un, quelque part, s'assure de faire venir les gens au théâtre, car les
nouveaux publics ne se bousculent pas au portillon. Toi qui es lié de près à
l'administration du nouveau Théâtre Aux Écuries, comment envisages-tu cette
problématique ? Quelle attitude adopterais-tu pour que la nécessité de
rentabiliser le théâtre n'entre jamais en confrontation avec ton désir de créer
sans compromis?