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OFFTA: De Schmutt à Gaudrault

Petite pause du FTA hier pour voir un peu de danse au OFF. Je me risque donc, moi le théâtreux, à vous parler un peu des Sœurs Schmutt et de leur Petites Pièces de poche, avant d'entrer en conversation avec Sébastien David, auteur et metteur en scène de En Attendant Gaudrault et Ta Yeule Kathleen, deux courtes pièces qui prennent l'affiche du OFF dès demain soir dans leur version labo.

Petites Pièces de Poche: La lumière des Schmutt

Si elles semblent d'abord vouloir questionner le rôle du spectateur en lui demandant de se déplacer pour suivre les danseurs se mouvant dans la quasi-obscurité, on comprend vite que les jumelles Elodie et Severine Lombardo (Severine signe ici la chorégraphie alors que sa sœur danse) proposent plutôt une étude très théâtrale du corps et de la lumière. Armés de petites lampes et de sources de lumière diverses, les danseurs n'éclairent jamais leurs corps entiers, proposant d'observer le mouvement en fragments détachés, via des apparitions furtives et fantômatiques de morceaux de chair et de muscles ou de visages inquiétants et inquisiteurs. Une gestuelle évoquant souvent la dislocation ou la contorsion, des filets de lumière effleurant les crânes rasés ou le derme ruisselant d'un avant-bras ou d'un orteil, des visages à l'expressivité marquée: voilà qui contribue à créer une danse très cinématographique qui évoque les ambiances nocturnes des films noirs. Ça m'a beaucoup plu, d'autant que la succession de ces courtes et énigmatiques «capsules chorégraphiques» m'a semblé très cohérente, ouverte à l'élaboration personnelle d'une certaine narration. Les Schmutt ne se produisaient qu'un seul soir au OFFTA, mais qui sait peut-être reprendront-elles cette pièce au cours de la prochaine saison ou de la suivante. À surveiller.

Attendre Gaudreault

Voici, pêle-même, des bribes d'une conversation téléphonique avec le comédien Sébastien David, qui présente au OFFTA la version laboratoire de son projet de courtes pièces sur la solitude : En attendant Gaudreault et Ta Yeule Kathleen.

"Ce projet-là est né au rallye théâtral Midi-Minuit et résulte du désir que j'avais de travailler avec Frédéric Côté et Marie-Hélène Gosselin. En attendant Gaudrault était d'abord une très courte pièce, qu'on a retravaillée et annexée à Ta Yeule Kathleen. Le OFFTA nous permet en quelque sorte de tester le matériel, et surtout de mesurer la cohésion entre les deux textes. Ce sont deux textes qui se répondent : d'abord le monologue Ta Yeule Kathleen, puis le chœur à trois voix En attendant Gaudrault – qu'on appelle chœur même si au fond ce sont des monologues intercalés."

"Kathleen est une femme à hommes désormais confinée au foyer depuis qu'elle a eu un enfant, et qui est plutôt exaspérée de sa nouvelle situation. En Attendant Gaudrault nous présente trois personnages qui, tels Vladimir et Estragon (Beckett), attendent un autre personnage qui n'arrivera jamais. J'aborde par là des thèmes comme la pauvreté matérielle et intellectuelle, la drogue, le statut social. Dans les deux pièces, on parvient à une sorte d'acceptation de la condition sociale des personnages, même s'ils ne sont pas très lucides par rapport à eux-mêmes. Le texte est à l'avant-plan, j'ai écrit sans ponctuation, comme si c'était un exercice rythmique, dans le but de théâtraliser la parole au maximum. Le monologue m'intéresse parce qu'il me permet une parole directe, sans faux-fuyants."

"Les acteurs sont immobiles, engagés dans une prise de parole très franche, et cette immobilité évoque aussi pour moi la solitude et l'isolement, thèmes récurrents des quatre monologues. Je présente ces personnages sans psychologie, de manière plutôt rigide, très placée, l'idée étant d'encadrer la parole, de contenir le flot. L'émotion surgit d'elle-même sans qu'on ne doive l'appuyer. Dans le jeu, on ne travaille que les variations d'intensité vocale et le rythme, les pauses, le souffle."

À voir demain (mercredi 2) et jeudi 3 juin à 19h à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui, puis en version finale en janvier prochain.