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Cochon irrévérencieux

Hier soir, aux Ecuries, le Gala des Cochons d'Or a
récompensé 36 artistes de la relève, tous impliqués dans l'une ou l'autre des
productions du réseau Cartes Prem1ères au cours de la saison qui s'achève. Au
nombre des gagnants se sont particulièrement démarqués les spectacles La Fugue,
du Théâtre Qui Va Là, L'Affiche, des productions Hotel-Motel (Philippe Ducros),
Caligula Remix de Terre des Hommes (Marc Beaupré), La Campagne du Théâtre
Double Essence (mise en scène de Sébastien Dodge) et Le Moche du Théâtre de la
Pacotille (mise en scène de Gaetan Paré). Vous pouvez consulter la liste
complète des gagnants et le résumé de la soirée par David Lefebvre sur montheatre.qc.ca.

L'importance de ces prix est toutefois bien relative.
Surtout que cette année, le jury de pairs, présidé par Olivier Morin, a choisi
de ne pas énoncer de nominations et de récompenser systématiquement trois
productions par catégorie, bref de ne faire que des gagnants, en quantité
spectaculaire. Délibérations trop houleuses pour arriver à des compromis ou
trop forte qualité générale des productions ? Quoi qu'il en soit, ce choix
est très discutable. Cela diminue indéniablement la valeur de l'exercice et la
valeur de chaque prix. Disons que j'aurais été très curieux de m'immiscer dans
l'une des discussions du jury pour voir par quels chemins cette drôle d'idée a pu
se transformer en décision unanime.

De toute façon, au Gala des Cochons d'Or, la remise de prix
n'est souvent qu'un prétexte pour rassembler la communauté de la relève
théâtrale et créer un espace de rencontre et de dialogue; pour faire un retour
sur la saison en la célébrant tout autant qu'on la vilipende. Pour ça, on
pouvait compter sur les irrévérencieux animateurs Guillaume Girard et François
Bernier
. Encore plus virulents que l'an dernier, ils ont teinté la soirée d'insolence,
de culot et d'effronterie, mais aussi d'intelligence. Ils sont impudents mais
jamais impertinents: voilà qui éloignait la soirée de toute complaisance et
créait un climat tout désigné pour accueillir les paroles des «Têtes de
Cochons», des intervenants invités à brasser la cage et allumer des feux.
Patrick Goddard
, directeur général du festival Fringe, est venu témoigner de la
réalité du théâtre anglo-montréalais, se questionnant sur la mince place
occupée par les Anglos. «À quoi ça sert le théâtre anglophone, a-t-il demandé,
si tout le monde s'en calisse?» Question directe, mais sentie.

J'ai été pour ma part invité à livrer mes réflexions sur la
relève, reprenant le texte sur le conservatisme de la relève théâtrale que j'ai
publié ici en avril dernier, à partir des propos de Geneviève Billette dans la
revue Liberté. Il faut aux organisateurs du gala un grand sens du débat et une
admirable ouverture à la critique et à la remise en question pour avoir osé me laisser
prononcer ces paroles-là devant un parterre de jeunes comédiens et concepteurs
de théâtre réunis là pour se célébrer en choeur. Surtout que, fortement
encouragé par l'équipe du gala, j'en ai livré une version légèrement bonifiée,
peut-être plus virulente à certains égards. La discussion fut vive après le
spectacle, du moins de mon côté, car les enjeux soulevés dans mon texte sont
brûlants, et certainement contestables même si peu de courageux réfractaires
ont osé me confronter à leurs points de vue divergents. Je veux donc ici
remercier haut et fort l'équipe de Cartes Prem1ères et du Théâtre Aux Écuries,
qui sont peut-être sur le point de réanimer un espace de discussion qui s'était
perdu, et de redonner du lustre à l'exercice critique, qu'il se produise à
l'intérieur ou à l'extérieur du milieu théâtral. C'est sain, c'est inespéré, et
c'est précieux.

Un mot sur le prix hommage remis au traducteur, essayiste,
dramaturge et professeur Paul Lefebvre, dont on célèbre cette année le retour à
Montréal après plusieurs années à œuvrer pour le festival Zones Théâtrales à
Ottawa. Hommage pleinement mérité, et je voudrais souligner ici à quel point
Paul Lefebvre est pour moi aussi une inspiration. Son érudition, son engagement
envers le théâtre, l'acuité et la vastitude de son regard sur la scène
québécoise et internationale et sa passion pour les formes émergentes en font
un interlocuteur de choix, un homme inspirant et agréable avec qui j'ai la
chance de discuter de plus en plus régulièrement. Chaque fois, c'est un
véritable privilège. Longue vie à Paul Lefebvre.

Sur ce, je vous souhaite une excellente fête nationale.

 

Crédit photo: Daniel Meilleur

 

 

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