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Les ronfleurs

Comme lecture d'été, entre autres choses, le dernier numéro de la revue Jeu traîne sur ma table de chevet  depuis sa sortie il y a quelques semaines.  Je le lis par bribes, et je me suis attardé hier à la carte blanche d'Olivier Choinière et Olivier Kemeid, qui y croisent leurs réflexions sur la subversion au théâtre. Et ce, de manière plutôt caustique, comme le précise Catherine Cyr en introduction du numéro.

Revenant sur l'éditorial du numéro 133, dans lequel le rédacteur en chef Michel Vaïs reprenait et étoffait à sa manière mes arguments contre la saison du Théâtre d'Aujourd'hui, Olivier Kemeid écrit ceci :

« Je ne suis pas du tout d'accord avec cette charge à fond de train contre le Théâtre d'Aujourd'hui, qui s'acquitte bien de son mandat de création québécoise (que ce soit en mode de production, de coproduction ou de diffusion, et nous avons besoin de ces trois modes), et suis scié qu'on attaque ce théâtre pendant que d'autres ronflent depuis des siècles, pompant allègrement dans les finances publiques pour nous proposer un théâtre privé digne des petits boulevards. Peut-être que, pour ceux-ci, nos attentes sont si basses qu'on ne les critique même plus. » 

À cela, je répondrai :

Cher Olivier, ta dernière affirmation mise juste.

À quoi bon, en effet, critiquer la direction artistique du Théâtre Jean Duceppe ou du TNM (car je suppose que ce sont eux les ronfleurs, même si Kemeid ne juge pas bon de les nommer) ? Il est vrai que ces deux-là semblent avoir abandonné depuis longtemps une bonne partie de leurs aspirations artistiques pour se contenter de bâtir des saisons formatées qui plairont à une sélection d'abonnés désireux de se divertir promptement. C'est scandaleux, en effet, que les deux théâtres les mieux financés de la métropole ne se soucient plus que de commerce, alors que c'est précisément avec des fonds publics aussi généreux qu'on devrait créer  le théâtre le plus risqué, le plus pertinent, le plus profond et le plus engagé. Olivier Kemeid n'est pas le seul à s'étonner que le Théâtre d'Aujourd'hui ait subi cette année de si virulentes critiques alors que les «ronfleurs» s'en sortent indemnes. Sur ce blogue, plusieurs commentateurs ont aussi évoqué la chose. Mais devant la profondeur du marasme, effectivement, il y a de quoi être désarmé. Par où commencer?

La situation est toute autre au Théâtre d'Aujourd'hui.  Si l'équipe de la revue Jeu et moi-même avons jugé bon,  à partir de nos tribunes respectives, de dénoncer ce qui nous est apparu comme une dérive au Théâtre d'Aujourd'hui, c'est bien parce que ce théâtre est loin d'être moribond et qu'il nous stimule encore profondément. La critique et le débat ne peuvent exister que si elles prennent pour objet des choses bien vivantes.

Et contrairement au TNM qu'on considère parfois à tort comme notre «théâtre national», le Théâtre d'Aujourd'hui poursuit une mission de teneur nationale: il est le seul théâtre à se consacrer pleinement à la dramaturgie québécoise et a le devoir de le faire de la manière la plus rigoureuse et la plus dynamique qui soit. C'est ainsi du moins que je l'interprète. Cette mission englobe plus que le théâtre lui-même ou que les auteurs dramatiques et les metteurs en scène ou le public de théâtre : elle est au cœur du développement et de la mise en valeur de la culture québécoise et de l'identité nationale.

Qu'en pensez-vous ?