«Le cirque québécois domine le monde et va le dominer encore
longtemps», nous apprend La Presse ce matin. Cette affirmation pompeuse,
attribuée à l'historien du cirque Pascal Jacob, serait évidemment à nuancer. Mais
il n'en demeure pas moins que le cirque québécois fait son nid dans le monde,
et qu'il fait bon de se le rappeler en ce jour de grand départ du tout nouveau
festival Montréal Complètement Cirque.
Partout ce matin et dans les prochains jours, vous lirez sur la prospérité, l'inventivité,
la spécificité du cirque québécois. C'est de circonstance, mais c'est aussi
parce que, de manière générale, le cirque québécois est hyper-médiatisé. Et pas
seulement le Cirque du Soleil.
Or, la médiatisation des arts du cirque au Québec est
traversée d'un grand paradoxe. En introduction de son numéro spécial sur le «rayonnement
du cirque québécois» l'été dernier, l'équipe de rédaction du magazine Spirale
écrivait ceci :
«Il nous semblait important de mettre en question un
phénomène qui, accaparant l'espace médiatique comme n'y parvient nulle autre
manifestation culturelle ou artistique, réussit néanmoins l'incroyable tour de
force d'échapper à toute critique véritable.»
Vrai. Il n'y pas de véritable spécialiste du cirque dans la
presse quotidienne et hebdomadaire, encore moins à la radio ou à la télé, et même
la presse ultra-spécialisée n'arrive pas à s'y intéresser avec le sérieux qui s'imposerait.
Il y a quelques exceptions notables, comme Françoise Boudreault, qui s'y
consacre passionnément dans ses collaborations à la revue Jeu. Mais j'ai beau
fouiller dans les autres publications, je ne vois que des critiques de théâtre,
de danse, ou même de musique, qui font de leur mieux pour témoigner du cirque
quand le mandat leur en est donné mais qui n'en sont pas de véritables
critiques. Personne n'a de regard plus approfondi sur cette discipline dont on
vante partout les mérites et l'incroyable rayonnnement. Étrange, tout de même.
Peut-être ne préfère-t-on pas le critiquer, cet art
circassien que nous chérissons tant ? Pour ne pas entraver les aspirations
commerciales de ses plus gros joueurs ? Pour ne pas risquer de s'apercevoir
que notre cirque ne «domine» pas le monde autant qu'on le croit ? Pour ne
pas freiner son incroyable «rayonnement» ? Je n'en sais rien, mais je m'explique
mal le phénomène.
L'arrivée à Montréal d'un festival de cirque qui a la
prétention de devenir un événement international majeur devrait en tout cas
permettre un changement de ton dans les médias. Je le souhaite.
Bon festival à tous !