BloguesParathéâtre

Le vertige et l’impuissance

Merci pour vos commentaires très pertinents sur la question
de l'engagement social de l'artiste. Je vous répondrai.

Je fais une parenthèse dans ce débat pour vous dire que les
astres sont alignés et qu'au moment même ou nous discutions ici de cette
question, de jeunes comédiens de Québec présentent un spectacle entier pour
témoigner de leur volonté de porter une parole sociale. Vertiges, encore à l'affiche
toute la semaine au Théâtre Périscope, est fait de préoccupations très diverses
de la jeune génération de comédiens de Québec: implication du Canada dans la
guerre en Afghanistan, protection de la langue française, effritement du nationalisme,
perte du sens historique, et plus encore.

Une vraie prise de parole sociale. Ça m'a vivement
intéressé.

Mais l'ennui, c'est que le spectacle témoigne plus fort d'un
certain sentiment d'impuissance que d'un désir de contrer les obstacles du
monde. Comme s'il n'y avait rien à faire devant le marasme.

Vous me direz que c'est déjà bien de crier son impuissance.

En effet, c'est mieux que l'indifférence et le cynisme.

Beaucoup mieux.

Mais je ne suis pas sorti de ce spectacle avec le sentiment
de pouvoir réfléchir et agir, je n'ai pas été assailli de questions insolubles
et de grandes remises en question.

Je sais, j'en demande beaucoup. Mais il m'est resté de cet
exercice un grand sentiment d'impossibilité. Peut-être est-ce bien personnel,
mais la plupart de ces textes m'ont semblé trop désillusionnés pour arriver à fouetter
les esprits. Pourtant, en prenant ainsi la parole, ces jeunes artistes font un
geste contraire à la désillusion. Beau paradoxe.

Il vous reste encore quelques soirs pour aller voir ça, gens
de Québec ou autres gens qui passez par là. Jusqu'au samedi 2 octobre.

***

En tout cas, je me rassure de voir que sur le front du
financement de l'art, les artistes de théâtre sont encore de grands
batailleurs. Avez-vous écouté le débat sur le financement de la culture à
Bazzo.tv jeudi dernier? Joute musclée entre le politologue Christian Rioux et
le comédien Christian Bégin. C'est Bégin qui gagne la partie: l'art québécois,
dit-il, est déjà si mal financé qu'il est même ridicule de poser la question de
l'abolition des subventions. Il souligne aussi à quel point les subventions
ne sont dirigées qu'aux productions artistiques qui ont déjà des chances d'être
rentables, ce qui est tout à fait vrai et tout à fait incohérent. De l'autre côté de la table, le
politologue s'embrouille. Dommage qu'il persiste à critiquer les subventions
parce qu'elles sont prétendument «égalitaires», alors qu'on sent bien qu'il
voulait avant tout dire que la culture québécoise manque parfois de rigueur et que
notre système de financement n'encourage pas la rigueur. Ça, je suis bien d'accord.
Mais Rioux exprime son idée de manière maladroite, en parlant d' «artistes
plus méritants parce que reconnus par leurs pairs et plus rentables», ce qui
fait planer sur son discours le spectre des enveloppes à la performance. Et
Bégin en frissonne de dégoût.

Je vous laisse regarder ça dans vos temps libres. Ça se
trouve ici.

 

 Crédit photo Vertiges: Renaud Philippe